15th UEGW – 2007

L’UEGW a atteint la dimension internationale et rivalise avec la DDW. Avec plus de 11 000 inscrits (mais une participation française discrète) l’UEGW, 11 ans plus tard s’est installée de nouveau à Paris.

Les publications concernant les MICI ont eu une place prépondérante au cours de cette 15ème UEGW. Ceci s’explique non par l’apparition de nouvelles molécules, ni par la publication de nouveaux essais mais des analyses plus approfondies de ces résultats et des tentatives d’adaptation pratique.

En ce qui concerne les biothérapies, pour le traitement de la maladie de Crohn (MC) nous disposons d’anti-TNF efficaces : infliximab (IFX), adalumimab (ADA) et certozilumab (CZP). W Reinisch (Vienne) a rappelé qu’au cours de la maladie de Crohn (MC), les différents essais thérapeutiques, bien que difficilement comparables, permettent d’affirmer que l’efficacité de l’IFX, de l’ADA et du CZP (tant dans l’induction, le maintien de la rémission, la réduction du nombre d’hospitalisations, que dans la diminution du nombre des interventions chirurgicales..) est certainement identique dans les formes luminales, de même pour l’IFX et l’ADA dans les fistules. Le choix initial, comme l’a souligné G d’Haens, dépendra essentiellement des facilités d’administration, de la compliance, du coût. Efficacité identique, mais l’échec de l’un n’empêche pas l’efficacité de l’autre. C’est ce qu’ont montré M Allez et al. (Paris) dans une courte série (16 MC) : en cas de perte de réponse, d’intolérance voire de résistance à l’IFX puis à l’ADA ces patients peuvent répondre au CZP (10/16). En ce qui concerne les formes fistulisantes, F Gomollon et al. (Saragosse) montrent, chez 24 MC fistulisantes en perte de réponse ou résistant à l’IFX, que l’ADA permet une fermeture partielle ou totale des fistules dans, respectivement, 41,7 % et 29,2 % des cas.

La grossesse, chez une patiente porteuse d’une MC, est toujours un moment délicat car celle-ci peut déstabiliser la MICI et que faire chez une patiente sous anti-TNF ? F Schnitzler et al. (Louvain) avaient déjà présenté, lors de la dernière DDW, une série de patientes traitées intentionnellement par IFX durant les 2 premiers trimestres de la grossesse (le traitement n’a pas été délivré au cours du 3ème trimestre compte tenu du passage chez le fotus) . Leur série a augmenté puisqu’ils ont rapporté cette fois 27 grossesses chez des patientes qui ont reçu intentionnellement de l’IFX pour MICI. Actuellement 3 grossesses sont en cours. Dix sept enfants sont nés, 3 au terme d’une grossesse de moins de 37 semaines et 4 pesaient moins de 2500g. Aucune malformation n’a été observée, 9 poussées de la MICI sont survenues : 7 au cours de la grossesse, 2 au décours. Il apparaît que le bénéfice de l’IFX, en permettant une réponse et le maintien de la rémission, l’emporte sur le risque fotal. Ceci méritera d’être confirmé par des études comprenant un nombre plus élevé de patientes. Il n’a pas été réalisé d’essai prospectif avec l’ADA ni avec le CZP. Ce dernier pourrait avoir l’avantage de pouvoir être utilisé durant toute la grossesse puisqu’une étude publiée l’an passé à l’UEGW avait montré que grâce à sa fraction pégylé, le CZP ne franchissait pas la barrière placentaire.

Dans la RCH, les biothérapies ont également leur place. En fait seul l’IFX y a actuellement une indication. M Lémann (Paris) a rappelé que, à la suite des essais ACT 1 et 2, l’FX peut-être proposé dans les RCH actives modérées à sévères en 2ème ligne. Par contre, aucun essai ne prouve de façon significative une supériorité de l’IFX par rapport à la ciclosporine dans les formes graves. A partir des résultats des essais ACT 1 et 2, WJ Sandborn et al. (Rochester) montrent qu’un an après la première injection d’IFX, le risque de colectomie est réduit de 41 % par rapport aux RCH traitées par placebo (parallèlement le nombre d’hospitalisations est réduit). M Ferrante et al. (Louvain) ont analysé les résultats à plus long terme. Dans leur série de 130 RCH modérées à fulminantes traitées par IFX, ils constatent que 18 % de leurs RCH ont dû subir une colectomie après un suivi médian de 2,5 ans. L’absence de réponse à court terme, de cicatrisation muqueuse, une CRP initiale > 5mg et un traitement antérieur par corticoïdes ou ciclosporine sont des facteurs prédictifs de colectomie.

Les autres perspectives thérapeutiques concernent la MC qu’il s’agisse des autogreffes de cellules souches ou des inhibiteurs des chimiokines CCR9. S Ardizzone et al. (Milan), en cas de résistance ou d’intolérance aux anti-TNF, ont réalisé des greffes autologues de cellules souches à 6 MC. A 3 mois, ils ont obtenu une rémission clinique sans traitement, une cicatrisation muqueuse complète chez 3/5, partielle chez 2/5. Quant à S Schreiber et al. (Kiel) il ont présenté les résultats préliminaires de l’essai PROTECT-1, essai randomisé au protocole compliqué, visant à évaluer le CCX282-B (inhibiteur des chimiokines CCR9) qui a l’avantage d’être administrable par voie orale. Il semble confirmer les résultats présentés lors de l’UEGW 2006 par S Keshav et al. montrant une baisse du CDAI de 70 chez plus de 70 % des MC modérées à sévères et une rémission chez plus de 40 %.

Malgré les progrès considérables qu’a permis l’arrivée des biothérapies, il reste une place pour les thérapeutiques classiques.

Pour la MC, la place des immunosuppresseurs (IS) est toujours prépondérante. L’enquête CESAME a montré que cette prescription concernait 35 % des MICI en France. Mais il faut garder à l’esprit que ces IS peuvent être source de complications voire de l’apparition d’un syndrome lymphoprolofératif (SLP). L Beaugerie et al. (Paris) ont rapporté les résultats préliminaires de cette enquête prospective qui, à partir d’une cohorte créé entre 2004 et 2005 de 20 802 MICI, montre en octobre 2007 16 SLP (un Hodgkin et 15 SLP non hodgkiniens) soit un SIR par rapport à la population générale de 1,70 et pour le SLP non hodgkinin de 1,94. Toujours en ce qui concerne les IS, la survenue d’une hyperplasie nodulaire régénérative (HNR) a été bien établie au cours des traitement par 6-TGN (Lanvis®) et à même conduit à interdire ce traitement. Pourtant B. Jharap et al. (Amsterdam) ont réalisé des biopsies hépatiques systématiques à 86 MICI traitées par 6-TGN à faible dose depuis au moins 3 mois (dose médiane 20 mg/j) : aucun signe histologique formel d’HNR n’a été décelé, 3 cas douteux simplement. Le 6-TGN ne serait pas seul responsable d’HNR. C’est ce qu’on montré Ph Seksik et al. (Paris) à partir de la série de Saint Antoine de 1730 MICI ayant suivi un traitement par azathioprine (AZA) pendant plus de 2 mois, 13 patients ont développé une HNR à la suite d’un traitement d’une durée médiane de 44 mois. Ils estiment que le risque cumulé d’HNR chez un patients traité par AZA est faible (0,7 % à 5 ans) mais qu’il est majoré chez les hommes et en cas de résection intestinale de plus de 50 cm. C’est données devront être prises en compte au moment de la décision de mise en route d’un traitement par AZA. Car l’AZA reste un traitement essentiel en permettant notamment la prévention des rechutes après chirurgie comme l’on précisé P Papay et al. (Vienne), à partir d’une étude rétrospective portant sur 377 MC ayant subi une résection intestinale. Ils montrent que le risque de ré-intervention est réduit par la prise d’AZA. En cas de traitement par AZA pendant moins de 2 mois après une résection, le risque de ré-intervention est multiplié par un facteur 3, tandis qu’un traitement pris pendant plus de 36 mois réduit de 50 % le risque de ré-intervention à 10 ans.

Les aminosalicylés (ASA) gardent une place de choix au cours de la RCH à la fois dans le traitement de formes bénignes à modérées et dans la prévention du cancer colorectal (CCR). D Ledro-cano (Cario) a réalisé une méta-analyse regroupant 10 publications (3 études de cohorte, 7 études cas-contrôle) concernant 20901 RCH dont 410 CCR et 140 dysplasies. Il montre que l’ASA a effet protecteur vis-à-vis du CCR (OR : 0,6). Cet effet protecteur n’est pas retrouvé pour la seule dysplasie, cela est vraisemblablement lié au fait qu’il n’y a eu que 2 études qui ont tenté d’évaluer cet effet. En ce qui concerne le traitement des formes bénignes à modérées, dans un essai multicentrique incluant 127 RCH, Ph Marteau et al. (Paris) montrent que l’adjonction de lavement de mésalazine à un traitement par voie orale améliore non seulement le taux de rémission mais aussi significativement la qualité de vie et que ce traitement par double voie devrait être proposé en première ligne. De même, MP Connely et al. montrent que 4 g de mésalazine par voie orale associés à 1 g de mésalazine en lavement pendant 8 semaines est plus coût-efficace que le seul traitement par voie orale. Travis (Oxford) a toutefois répété que l’absence d’amélioration d’une RCH après 14 jours de traitement par 5-ASA justifie l’adjonction de corticoïdes. Plusieurs études rapportées lors des précédentes éditions de l’UEGW et de la DDW avaient montré l’intérêt potentiel du MMX-mésalazine (mésalazine enrobée dans une membrane à double couche permettant une libération retardée et prolongée). JF Colombel, S Schreiber et M Kamm ont rapporté plusieurs communications confirmant ces résultats. Maintenant commercialisé en Grande Bretagne et aux USA, la prise unique de MMX mésalazine confirme son efficacité par rapport au placebo tant dans l’induction que dans le maintien de la rémission des RCH bénignes à modérées. L’avantage de la prise unique que confère ce produit semble disparaître compte tenu de la publication de A Dignass et al. (Francfort) qui montrent, dans une étude multicentrique portant sur 362 RCH, qu’une prise unique de 2g de mésalazine permet un taux de rémission supérieur à 2 prises de 1g et permet une meilleure adhérence au traitement.

En ce qui concerne la chirurgie, elle n’a pas été oubliée et garde sa place. SB Ingle (Rochester) a repris la série de la Mayo Clinic. A partir des 316 RCH diagnostiquées et suivies entre 1970 et 2001, il apparaît que le risque cumulé de colectomie est proche de 20 %. Il passe de 19 % à 10 ans à 30 % à 25 ans. Ce risque est plus élevé chez les hommes et la nécessité d’une corticothérapie dans les 90 jours suivant le diagnostic majore ce risque (HR : 3,2). Pour la MC colique, Caldera et al. (Paris), à partir de la série de Saint Antoine, montrent qu’une résection segmentaire est envisageable. A la suite de 66 résections coliques segmentaires pour MC, les taux de récidive clinique et de ré-intervention à 5 et 10 ans sont identiques à ceux des patients ayant subi une colectomie (risque de récidive plus élevé en cas de maladie sténosante que de fistule de même pour les résections coliques gauches). Enfin mentionnons la série de 235 résections colorectales laparoscopiques pour MICI présentée par A Alvez et al. (Paris) qui montre que cette intervention est réalisable dans la majorité des cas (18 % de reconversion), avec une mortalité nulle. Une ré-intervention par laparotomie pour complication (hémorragie, péritonite, occlusion) a été nécessaire dans 5 % des cas. Enfin M Ferrante et al. (Louvain) ont rapporté, à partir d’une série de 173 anastomoses iléo-anales pour RCH qu’une pochite survient chez 46 % des patients, est aigüe (18 %), récidivante (9 %) ou chronique dans 19 % des cas nécessitant l’ablation de la poche chez 5 % des RCH. Les pochites sont d’autant plus fréquentes que le patient est jeune et qu’il existe des manifestations extra-digestives.

Comme on le voit il existe manifestement des avancées en ce qui concerne la prise en charge les MICI mais il y a encore beaucoup à faire. JF Colombel (Lille) dans un brillant exposé au cours e l séance plénière a rappeler qu’il y a 50 ans Truelove avait édicté les critères permettant de sauver des vies, puis est venu le temps du traitement des symptômes, celui de la prévention des récidives. Les biothérapies ont permis de gros progrès. La stratégie du Top-Down est très intéressante puisqu’elle pourrait peut-être modifier l’histoire naturelle de la MC, encore faudrait-il être capable d’identifier les patients à risque de maladie sévère à partir de critères cliniques, biologiques, sérologiques. La cicatrisation muqueuse sera peut-être un objectif thérapeutique. Mais ici encore nous sommes en retard. JF Colombel a en effet insisté sur l’intérêt d’agir en amont de ces étapes : au niveau de la barrière muqueuse mais aussi du contenu luminal. Si on ajoute à cela les progrès qui seront réalisés tant dans la génétique que dans l’identification de facteurs environnementaux, un jour il sera possible de prévenir les MICI. D’ici là il y a du travail !!!!