14th UEGW – 2006

Le point fort de cette 14ème édition de l’UEGW qui vient de se tenir du 20 au 25 octobre à Berlin a été, sans conteste, le consensus européen sur la prise en charge de la RCH établi par le groupe ECCO qui regroupe l’ensemble des spécialistes européens des MICI.

Les guidelines européens sur la prise en charge de la RCH

Ce consensus qui fera l’objet, dans quelques mois, d’un supplément de GUT est très proche des recommandations françaises publiées en 2004. Les points importants à souligner :

1- L’extension de la maladie dicte les modalités thérapeutiques et la voie d’administration d’où l’importance de sa détermination. Il est préconisé d’utiliser la classification endoscopique de Montréal qui distingue

  • les rectites (ne dépassant pas la charnière recto-sigmoïdienne),
  • les colites gauches jusqu’à l’angle gauche
  • et les colites étendues.

Le groupe n’a pu définir de façon unanime la notion de rémission. Il a été convenu qu’il s’agissait d’une association de paramètres cliniques (moins de 3 selles quotidiennes sans sang) et une muqueuse normale en endoscopie. La prise en charge n’est pas modifiée par l’âge du début de la maladie, par contre elle l’est en cas de cholangite sclérosante associée.

2- En ce qui concerne la thérapeutique des RCH

  • Dans les formes actives, les 5 aminosalicylates ont une place primordiale.
    • La voie d’administration est fonction de l’extension de la maladie mais l’utilisation de 5-ASA en topiques est préconisée de façon isolée dans les formes rectales (en association avec la voie orale en cas d’absence de réponse), dans les colites gauches et étendues en association avec la voie orale. Dans ces 2 dernières localisations, il est mentionné que les 5-ASA par voie orale seule ne permettent la rémission que dans une minorité de cas.
    • Les corticoïdes sont indiqués en l’absence d’efficacité rapide des 5-ASA ou d’emblée en cas de rechute au cours d’un traitement d’entretien bien conduit.
  • En cas de colite étendue sévère l’hospitalisation est nécessaire pour mise en route d’un traitement intensif.
    • Le diagnostic de colite sévère est définie par les critères de Truelove et Wittt et justifie un traitement par corticoïdes par voie vaineuse (par exemple methylprednisolone 60 mg ou hydrocortisone 400 mg/j).
    • Une monothérapie par ciclosporine peut être envisagée en cas d’intolérance aux corticoïdes.
    • Une prise en charge conjointe par le gastro-entérologue et le chirurgien est préférable.
    • La réponse aux corticoïdes est évaluée au 3ème jour et un geste chirurgical peut être envisagé à cette échéance ou éventuellement plus tôt.
    • Un traitement de seconde ligne par ciclosporine ou tacrolimus peut être approprié. En l’absence d’amélioration au 7ème jour, une colectomie s’impose.
    • Un traitement de 3ème ligne ne peut-être envisagé que dans un centre spécialisé.
  • En cas de rechute, il convient de reprendre le traitement qui avait été efficace lors de la précédente poussée.
  • En cas de forme corticorésitante l’azathioprine ou le 6-mercaptopurine doit être prescrit. On peut également proposer un geste chirurgical, discuter l’infliximab.
  • En cas d’intolérance ou de résistance aux thiopurines, l’infliximab ou la chirurgie doivent être envisagés.

3- Le traitement d’entretien est indiqué chez tous les patients. Un traitement intermittent est toutefois envisageable chez quelques patients ayant une atteinte limitée.

  • Le traitement d’entretien n’est débuté que lorsque la rémission est obtenue, l’endoscopie est utile pour la confirmer et pour ajuster le traitement.
  • Les 5-ASA par voie orale constituent le traitement de première ligne. L’utilisation de 5-ASA en topique est une alternative en cas de rectite ou de colite gauche. 
  • La dose minimum efficace de 5-ASA par voie orale est de 1,2 à 1,5 g/j, pour les topiques locaux de 3 g/semaine.
  • Un traitement d’entretien par azathioprine ou 6-mercaptopurine est recommandé chez les patients mis en rémission par ciclosporine ou tacrolimus, en cas de récidive ou d’intolérance au 5-ASA, en cas de corticodépendance.
  • En cas de mise en rémission par infliximab, un traitement d’entretien par infliximab est recommandé toutefois si le patient n’a jamais reçu d’azathioprine un traitement d’entretien par azathioprine peut être discuté.
  • Il est à noter qu’il est mentionné qu’un traitement probiotique par E Coli Nissle peut être une alternative à l’ASA.

4- En ce qui concerne la chirurgie :

  • on insiste chez les femmes avant la ménopause sur la nécessité de discuter d’une anastomose iléo-rectale compte tenu des risques d’infertilité en cas d’anastomose iléo-anale (AIA).
  • De façon identique les patients opérés pour colite indéterminée doivent être informés des risques de complications en cas d’AIA.
  • Il n’y a pas de données suffisantes pour établir une recommandation sur la surveillance des réservoirs.

5- Le risque de cancer sur MICI semble surestimé. Toutefois actuellement, il n’est pas conseillé de réduire le rythme des endoscopies de dépistage de dysplasie.

  • La recherche d’une dysplasie doit être systématique
    • après 7 à 8 ans d’évolution d’une colite étendue,
    • 10 ans d’évolution d’une colite gauche,
    • et n’est pas nécessaire en cas de rectite.
  • Elles doit être réalisée tous les 2 ans jusqu’à 20 ans d’évolution puis ensuite tous les ans.
  • Les biopsies doivent être réalisées suivant le protocole classique (une dans chaque quadrant tous les 10 cm).
  • En cas de dysplasie, une relecture doit être réalisée dans un autre laboratoire d’anatomopathologie.
    • En cas de dysplasie de haut grade la colectomie est impérative.
    • En cas de dysplasie de bas grade, la colectomie doit être proposée mais on peut discuter d’un contrôle 3 à 6 mois plus tard.
    • En cas de polype sessile ou pédiculé, l’ablation endoscopique peut être proposée si les biopsies à la base du polype (4 au minimum) ou en un autre point du côlon ne révèlent pas de dysplasie.

Traitement de la maladie de Crohn

  • L’IFX en injections locales

L Biancone et al. (Rome) ont proposé, lors de la session Late breaking, l’injection locale d’IFX. Chez 11 MC ayant une récidive anastomotique inflammatoire peu étendue et une maladie non active, ils ont injecté au cours d’une coloscopie 10 à 40 mg d’IFX (avec une dose médiane de 27 mg). Le traitement s’est révélé efficace et bien toléré. Ces résultats nécessitent d’être confirmés par des essais randomisés en double aveugle et portant sur un nombre plus important de patients.

  • Les autres anti-TNF.

Les résultats de l’essai CHARM qui avaient été rapportés à Los Angeles au cours de l’AGA 2006 ont été rappelés par JF Colombel (Lille) mais surtout déclinés en fonction de la CRP, de la perte d’efficacité d’une prescription antérieure d’IFX, et du maintien de la rémission sans corticoïdes. S Schreiber et al. ont montré que quelque soit la valeur de la CRP, l’ADA était efficace, P Rutgeerts et al. que les patients qui avaient eu une perte d’efficacité d’un traitement par IFX répondaient à l’ADA et M Kamm que le taux de maintien en rémission sans corticoïdes était plus élevé chez les patients sous ADA. Parallèlement CD Chambers et al. (San Diego) ont rapporté que, actuellement, il n’a pas été enregistré d’effet tératogène chez les enfant nés de mère ayant utilisé de l’ADA durant la grossesse mais le nombre de grossesse enregistrée sous ADA reste faible.
L’autre anti-TNF utilisable par voie sous-cutanée, le certolizumab (CDP-870) a fait également l’objet de plusieurs publications. JF Colombel et al. ont montré, en reprenant les données de l’essai PRECISE 2 présenté l’an passé à l’UEGW de Copenhague, que les patients ayant déjà reçu de l’IFX répondent aussi bien au CDP-870 que les patients naïfs.
L. Peyrin-Biroulet et al. ont comparé les résultats des 3 grands essais cliniques Accent 1 pour l’IFX, CHARM pour l’ADA et PRECISE 2 pour le CDP 870 ayant permis d’évaluer le résultat dans le maintien de la rémission des MC modérées à sévères. Les résultats sont, d’une manière générale, similaires en ce qui concerne l’efficacité clinique en terme de maintien de la rémission à 26 et 30 semaines dans les MC actives. Toutefois il convient d’être prudent en comparant ces résultats notamment en ce qui concerne la sélection des patients en particulier dans une utilisation préalable à l’essai d’anti-TNF. D’autres paramètres doivent également être pris en compte qu’il s’agisse de la voie d’administration, de l’immunogénicité, de la tolérance à long terme et du rapport coût-efficacité qui ne peut-être évalué actuellement puisque seul l’IFX et l’ADA sont actuellement commercialisés (aux USA pour l’ADA).

  • Les autres biothérapies

Le natalizumab (NAT), anticorps monoclonal humanisé dirigé contre l’intégrine a4, malgré les cas de leuco-encéphalopathie multi-focale progressive rapportés, fait toujours parler de lui surtout depuis qu’il a été autorisé à être remis sur le marché (notamment américain) avec quelques restrictions.

R Panaccione et al. ont rapporté un essai ouvert ayant inclus les patients ayant terminé l’essai ENACT-2 (montrant l’efficacité du NAT dans le maintien de la rémission obtenu par l’administration de qui ont accepté de poursuivre le traitement par Natalizumab pendant 2 ans. Quatre vingt sept MC ont été inclues, à 2 ans 86 % restaient en rémission dont 91 % de ceux qui avaient reçu préalablement de l’IFX et 82 % de ceux qui n’avaient pas répondu à l’IFX.
F Colombel et al. ont comparé l’essai ENACT-1 et ENCORE. L’essai ENACT-1 (publié en 2003) avait évalué l’efficacité de 300 mg de NAT à S0, S4 et S8. Il n’avait pas été possible de démontrer à S10 une supériorité par rapport au placebo pour faire baisser le CDAI de 70 points. Par contre l’analyse rétrospective montrait que les MC qui avaient une CRP > 2,87 répondaient significativement. L’essai ENCORE (publié lors de l’AGA de Los Angeles en mai 2006) avait inclus des patients ayant une CRP > 2,87. L’analyse réalisée par JF Colombel et al. montrent, dans l’essai ENCORE (509 MC dont 259 sous NAT), que  la 48 % de patients sous NAT maintiennent leur réponse entre S8 et S12 contre 32 % dans le groupe placebo. Pour les patients de l’essai ENACT-1 dont la CRP était > 2,87 (660 MC dont 526 sous NAT), 49 % de ceux sous NAT sont restés en rémission contre 34 %. De même pur les patients en rémission 26 % vs 16 % dans l’essai ENCORE et 29 % vs 19 % dans l’essai ENACT-1.
Enfin, B Feagan et al. ont analysé la qualité de vie dans l’essai ENCORE. Ils montrent que le NAT permet une amélioration significative de la qualité de vie.

Dans les perspectives d’avenir citons le CCX282-B, un inhibiteur des récepteurs des chimiokines CCR9 actif par voie orale qui, comme l’ont montré S Keshav et al. dans une étude randomisée de phase 2, pourraient dans les MC modérées permettre un abaissement du CDAI de 70 points chez 56 % des patients après 4 semaines de traitement, de 100 points chez 40 %. Quant au semapimod (CNI-1493), inhibiteur du c-Raf, il réduit le taux de cytokines pro-inflammatoires. I Dotan et al. ont rapporté une étude multicentrique ouverte portant sur 152 MC modérées à sévères qui ont reçu soit 60 mg de CNI-1493 par voie veineuse 3 jours de suite, soit 60 mg un jour puis un placebo les 2 jours suivants, soit un placebo par voie veineuse 3 jours de suite. A S4 les patients étaient évalués. Ensuite tous les patients pouvaient poursuivre l’essai en ouvert jusqu’à 5 séries de 3 injections de semapimod toutes les 6 à 8 semaines.  Soixante dix neuf pour cent des patients ont accepté d’entré dans l’étude ouverte. Le pourcentage de répondeur est supérieur chez les patients ayant reçu 2 séries de semapimod (34 % vs 15%) mais en ce qui concerne la tolérance, il faut signaler un taux important de phlébites (61 % chez les patients ayant reçu 3 injections 3 jours de suite).

  • L’AST-120 dans les lésions périnéales

Y Fukuda et al. (Tokyo) avaient montré lors de la dernière AGA que l’utilisation de microsphères de carbone (AST-120) pouvait être proposé dans le traitement des fistules anales de la MC. Dans un essai multicentrique, randomisé, en double aveugle, ils obtenaient cliniquement une fermeture de 50 % des trajets fistuleux chez 37 % des MC sous AST-120 vs 10 % de celles sous placebo. Au cours de la late breaking session la même équipe a montré, dans une étude en double aveugle portant sur 94 MC avec fistule anale, que l’administration par voie orale d’AST-120 qu’une fermeture authentifiée par échographie endorectale, scanner ou IRM était obtenue au bout de 8 semaines chez 36,5 % des patients.

  • L’injection de colle de fibrine a été proposée par JC Grimaud et al. (Marseille) dans les fistules périnéales de la maladie de Crohn.

Dans cet essai contrôlé, randomisé les auteurs montrent, à partir d’une série de 77 patients (36 traités, 41 témoins), que l’injection de colle de fibrine dans des fistules ano-périnéales chez des MC bénignes à modérées permettait une fermeture complète à S8 chez 38 % des MC traitées (50 % des fistules simples, 25 % des fistules complexes) contre 16 % des MC non traitées et que la réponse se maintenait à S16 chez 83 %.

Les biothérapies dans la RCH

  • A Kohn et al. (Rome) ont rapporté une étude multicentrique portant sur 73 RCH (58 RCH sévères, 15 modérées) traitées par IFX à la dose de 5 mg/kg . Dix des 58 RCH sévères (17 %) ont du être colectomisés. A 3 ans, 62 % des patients n’étaient pas colectomisés, ils étaient sous immunosuppresseurs, 5-ASA ou infliximab. Il est signaler qu’un plus faible taux de colectomie a été réalisé chez les RCH ayant eu 2 (2/10) et 3 (1/10) injections d’IFX.