13th UEGW – 2005

Le niveau de l’UEGW ne cesse de s’améliorer et n’a plus grand-chose à envier à l’AGA. Il existe certes des redites, mais certaines équipes n’hésitent plus à y présenter leurs publications en primeur. Si le niveau se maintien, il y a fort à parier que l’on ira à l’AGA ou à l’UEGW mais certainement plus au deux la même année. Dans le domaine des MICI, les publications ont été très nombreuses, les symposiums d’un excellent niveau au cours de cette 13 ème édition de l’UEGW qui s’est tenue à Copenhague.

Cancer et MICI

Si le risque de cancer colique est de plus en plus pris en compte au cours des MICI, il n’en est pas de même des cancers du grêle, pourtant C Canavan et al. (Leicester), dans une méta-analyse, ont montré que le risque de cancer du grêle au cours de la maladie de Crohn (MC) était multiplié par 33 par rapport à une population témoin, tandis que, pour le côlon, ce risque est de 2,52 amenant les auteurs a suggérer l’éventuelle nécessité d’envisager un dépistage dans cette population.

Le rôle des 5-ASA dans la prévention du cancer colique au cours des MICI est toujours d’actualité. Dans une étude cas-contrôle, menée entre janvier 2001 et décembre 2003, JP Terdiman et al. (San Francisco) ont tenté de préciser si les MICI sous 5-ASA ont un risque réduit de cancer recto-colique (CRC). Chaque cas incident de CRC était apparié à 20 MICI ayant la même durée d’évolution mais n’ayant pas de cancer, la consommation d’ASA étant évaluée sur les 12 mois ayant précédé le diagnostic de CRC. Sur les 18 440 CRC survenus durant la période 364 sont apparus chez des MICI. Un discret effet bénéfique de la prise de 5-ASA (OR = 0,92) et plus marqué de la mesalazine (OR = 0,86) a été observé. Il serait souhaitable que des études à plus grande échelle soient réalisées pour confirmer cet effet bénéfique. Une autre étude cas-contrôle menée par DT Rubin et al. (Chicago) a tenté d’évaluer si la prise de mésalazine permettait une réduction de la fréquence des polypes au cours des MICI. Parmi les 51 919 polypes détectés sur une période de 40 mois, 406 CRC et 1 007 polypes sont survenus chez des patients porteurs de MICI. Le risque de polype au cours des MICI est 4 fois supérieur à celui de la population générale (OR = 4,06). Pour évaluer l’effet protecteur de la mésalazine, les auteurs ont utilisé comme indicateur le nombre de prescriptions dans les 12 mois précédant la découverte de la lésion. Ainsi 2 à 5 prescriptions de mésalazine réduisent le risque par rapport à une seule prescription (OR = 0,74), il en est de même au cours de la MC colique (OR = 0,43)

Traitement des RCH bénignes et modérées

Les 5-ASA sont le traitement classique des RCH bénignes à modérées. SB Hanauer et al (Chicago) ont comparé l’efficacité d’un traitement de 6 semaines par différentes doses de mésalazine. En cumulant les résultats de 2 essais de phase III (ASCEND I et II), sur les 423 RCH analysables, ils montrent que si l’efficacité est identique pour l’ensemble du groupe mais qu’une dose de 4,8 g/j dans les RCH modérées permet un taux de rémission plus important (72 % vs 58 %) dans un délai plus bref, sans plus d’effet secondaire

Toujours dans les RCH bénignes à modérées, G D’Haens et al (Louvain) ont présenté une nouvelle galénique de 5-ASA, le SDP476. Chaque comprimé contient 1,2 g de mésalazine enrobée dans une membrane à double couche. Une première couche formée d’un film polymérique gastro-résistant libère au niveau de l’iléon le 5-ASA associé à des polymères lipophiles emprisonnés dans une membrane hydrophile. Au cours de son transit dans le côlon, la membrane hydrophile s’érode permettant la libération progressive du 5-ASA à l’ensemble du côlon. Cette galénique permet une prise quotidienne unique et donc une meilleure observance et une meilleure compliance. Cet essai de phase III, certes sur un faible nombre de patients (38 RCH), a comparée des doses de 1,2, 2,4 et 4,8 g/j pendant 8 semaines. Une rémission a été obtenue chez 31 % à 2,4 g/j, et 18 % à 4,8 g/j. Les doses quotidiennes de 2,4 et 4,8 g/j sont toutes deux efficaces, mais la dose de 4,8 g/j, en permettant une concentration muqueuse de 5-ASA élevée, permet une meilleure cicatrisation muqueuse et un arrêt des rectorragies dès la 2 ème semaine.

La corticothérapie est encore largement utilisée dans la prise en charge des RCH modérées ne répondant pas au 5-ASA. Depuis plusieurs années plusieurs publications japonaises ont mises en évidence l’intérêt des hémaphérèses. Cette technique, réalisable en ambulatoire, a pour but de filtrer le sang dans une colonne d’absorption permettant la capture de granulocytes porteurs de cytokines cytotoxiques. Le traitement habituel consiste en 5 à 10 séances d’une heure chaque semaine. Utilisées dans les RCH corticodépendantes par W Kruis et al. (Cologne), ces hémaphérèses réalisées toutes les semaines pendant 5 semaines ont parfois un effet retardé puisque la rémission est survenue chez 10 des 35 patients à partir du 2 ème mois. A Sakuraba et al (Tokyo) ont montré, dans une étude randomisée, chez 112 RCH qu’en réalisant 2 aphérèses par semaine on obtient une rémission plus rapide (16,3 jours vs 28,1 jours) et un meilleur taux de rémission clinique (73,1 % vs 46,7 %).

Traitement des RCH sévères

Dans les formes sévères de RCH, P Rutgeerts et al (Louvain) ont rapporté les résultats cumulés des essais ACT 1 et ACT 2 de l’infliximab (IFX) dans la RCH active. Les 728 RCH inclus dans cet essais et mis en rémission par 3 injection d’IFX ont été randomisés pour recevoir soit un placebo, soit de l’IFX à la dose de 5 mg/kg ou de 10 mg/kg toutes les 8 semaines. Une guérison endoscopique (score 0-1) a été observée à S8 chez 32,4 % des patients sous placebo, 61,2 % sous 5 mg et 60 % sous 10 mg. On remarque dans le tableau des résultats que, quelque soit la dose utilisée (5 ou 10 mg/kg), l’IFX en traitement d’entretien est plus efficace que le placebo, que certes au fil des mois la réponse s’épuise et que la cicatrisation endoscopique précède la rémission clinique.

 

Cicatrisation endoscopique
(Score 0 ou 1)

Placebo

5mg/kg

10 mg/kg

S8

32,4%

61,2%

60,0%

S30

27,5%

48,3%

52,9%

 

Guérison endoscopique
Score 0

Placebo

5mg/kg

10 mg/kg

S8

8,2%

25,2%

24,4%

S30

9,4%

27,7%

30,6%

 

Rémission Clinique

Placebo

5mg/kg

10 mg/kg

S8

10,2%

36,4%

29,8%

S30

13,1%

29,8%

36,4%

Ainsi à S30 la rémission clinique survient 5 fois plus souvent chez les RCH ayant une cicatrisation endoscopique à S8, conduisant finalement à se poser de plus en plus la question de savoir si la cicatrisation muqueuse ne doit pas devenir l’objectif thérapeutique.

L’évaluation de la qualité de vie (QdV) est devenu un outil incontournable dans tout essai thérapeutique, cette évaluation est parfaitement corrélée au résultat clinique. WJ Sandborn et al (Rochester) en regroupant les mêmes essais ACT 1 et 2 ont montré qu’il existe une corrélation étroite entre l’index de sévérité Mayo comportant des paramètres cliniques et endoscopiques et les scores de QdV (IBDQ et SF36) : les non-répondeurs gardent un mauvais score de QdV tandis que cet index s’améliore cher les répondeurs non en rémission, pour revenir à la normale chez les patients mis en rémission.

RCH et « médecines douces »

A côté des thérapeutiques parfois agressives, il ne faut pas oublier la part importante des « médecines douces » souvent utilisées par les patients porteurs de MICI à l’insu de leurs médecins. KV Winther et al (Copenhague) ont tenté d’apprécier l’utilisation de ces thérapeutiques alternatives au cours de RCH évoluant depuis plus de 22 ans. Dans cette série de 228 patients, 33 % des RCH avaient utilisé une thérapeutique alternative (avec une prédilection pour l’acupuncture, les massages, l’homéopathie). Quarante quatre pour cent d’entre eux estimaient en avoir tiré un bénéfice en ce qui concerne le transit. Sur ces 228 patients, 67 % prenaient des compléments vitaminiques, 29 % des huiles de poisson, 26 % évitaient certains aliments et prétendaient que ces modifications diététiques avaient été le facteur déterminant dans l’amélioration de leurs symptômes. A Garribba et al. (Padoue) ont également évalué l’utilisation des « médecines douces » par les patients porteurs de MICI. L’interrogatoire de 488 MICI a permis d’apprendre que 78 % d’entre eux utilisaient ce type de médecine avec une prédominance pour les thérapeutique alternatives dominées par l’homéopathie, la phytothérapie voire l’acupuncture et à un moindre degré par les thérapeutiques complémentaires (régime, massage, relaxation, prière.). La motivation est l’espoir d’obtenir une amélioration plus rapide, une guérison, le désespoir devant l’échec des traitements classiques, les conseils d’amis. Il faut toutefois signaler que dans 15 % des cas les patients abandonnent le traitement classique. Dans 64 % des cas, les patients disent avoir éprouvé un bénéfice. Les patients utilisant ces médecines douces sont moins compliants au traitement classique (38 % contre 57 %).

Diagnostic des localisations du grêle de la maladie de Crohn

En ce qui concerne la maladie de Crohn (MC), plusieurs communications se sont intéressées au diagnostic des localisations du grêle de la maladie de Crohn. E Toth et al (Malmö) ont comparé, chez 65 patients suspects de MC, les résultats du transit baryté (TB), de l’entéroscopie poussée (EP), de l’iléocoloscopie(IC) et de la vidéocapsule (VC).

N = 65

Vidéo-Capsule

Iléo-coloscopie

Transit baryté

Entéroscopie poussée

Sensibilité

0,89

0,58

0,21

0,13

Spécificité

1,00

1,00

0,92

1,00

Précision

0,92

0,78

0,51

0,49

Les auteurs concluent que la VC est une technique sans danger, bien tolérée et la technique la mieux appropriée pour détecter les lésions du grêle. Toutefois il convient de remarquer que 14 patients initialement inclus ont du être exclus de l’analyse compte tenu de sténose du grêle (10), d’impossibilité d’avaler la capsule (1) et de rétention de la VC dans l’estomac (1).

La capsule a certainement un intérêt au cours des colites indéterminées (CI) comme l’ont montré JF Colombel et al. (Lille). Sur 21 CI évoluant depuis 1 à 21 ans qui ont subi un examen par VC, ce n’est que chez 4 patients qu’un diagnostic de MC a pu être réalisé. Ce diagnostic a modifié la stratégie thérapeutique en permettrant aux auteurs de entreprendre un traitement par IFX d’autre part JF Colombel et al pense que ceci confirme que la CI réalise une réelle entité au sein des MICI.

L’IRM prend une place de plus en plus importante dans l’exploration de la MC. Elle a été évaluée par G Masseli et al (Rome) qui ont exploré 38 MC par IRM avec entéroclyse (IRME). En injectant dans une sonde naso-jéjunale 1,5 à 2 litres de PEG, après distension du grêle, ils injectent 20 mg de Buscopan. Ils ont comparé les résultats aux données endoscopiques ou chirurgicales et ont montré que l’IRME a une sensibilité de 92 % et une spécificité de 83 %. Ils ont confronté également les résultats de l’IRME au transit du grêle avec entéroclyse. Les 2 techniques sont comparables dans la détection des ulcérations, sténoses et fistules mais l’IRME a l’avantage de détecter les anomalies mésentériques (ganglions, abcès…). L’entéroclyse étant une technique désagréable, ils ont évalué l’IRME avec injection dans une sonde naso-jéjunale de 1 à 1,5 l de PEG avec l’IRM après absorption per os de 700 à 1000 ml de PEG. L’entéroclyse permet une meilleure détection des ulcérations, des sténoses et des fistules que l’IRM avec absorption de PEG per os mais ceci n’est significatif que pour les ulcérations.

Immunosuppresseur, grossesse, allaitement et maladie de Crohn

Les immunosuppresseurs occupent une place prépondérante dans la prévention des rechutes de la MC. Toutefois certaines situations restent toujours source de débats, c’est le cas de leur prescription au cours de la grossesse et au cours de l’allaitement. C Dejaco et al. (Vienne) ont réalisé la première étude prospective portant sur 35 grossesses survenues chez 25 MICI. Vingt et une patientes recevaient de l’azathioprine (AZA) à une dose médiane de 125 mg/j, 3 du 6-MP à une dose de 50 mg/j et une de la thioguanine à la dose de 40 mg/j. Aucune différence n’a été notée en ce qui concerne la durée de la grossesse, le poids de naissance, la survenue de malformation, d’infection périnatale. LA Christensen et al (Copenhague) ont dosé, chez 5 femmes porteuses de MICI allaitant et traitées par AZA, la concentration dans le plasma et le lait de 6-MP et d’acide 6-thiourique toutes les heures, les 6 heures suivant la prise d’AZA. Les concentrations sont très faibles dans le lait mais correspondent pour une dose chez la mère oscillant ente 75 et 200 mg d’AZA à un apport quotidien chez l’enfant de 0,03 mg/kg. Cette dose est certes très faible mais la tolérance de ce traitement n’est pas connu et, jusqu’à preuve du contraire, il semble plus sage de conseiller un allaitement artificiel.

Traitement des formes sévères de la maladie de Crohn

Dans les formes sévères de la MC, depuis l’AGA de Chicago, l’idée d’un traitement d’attaque agressif fait son chemin et a de farouches partisans. Il est en effet proposé de préférer à la méthode du Step-Up (budésonide 9 mg/j ou prednisolone 40 mg/j pendant la durée nécessaire pour obtenir la rémission, puis reprise des corticoïdes en cas de rechutes ; en cas de rechutes fréquentes ou de corticodépendance utilisation d’AZA, puis IFX en l’absence d’efficacité de l’AZA), la méthode du Top-Down (traitement initial par IFX à la dose de 5 mg/kg à S0, S2 et S6 associé à de l’AZA à la dose de 2-2,5 mg/kg puis répétition de IFX et utilisation de corticoïdes en cas de rechute). GR d’Haens et al (Bonheiden) ont montré, chez 130 MC sévères ayant un CDAI > 200, diagnostiquées depuis moins de 4 ans et n’ayant reçu que des 5-ASA que la méthode du Top-Down (TD) permet une rémission plus rapide. En effet, 1/3 des MC traités par Step-Up (SU) avaient encore des corticoïdes 6 mois après le début du traitement, près de 20 % à un an. A un an, 77 % des patients traités par TD restaient en rémission sans corticoïdes. L’utilisation d’IFX a finalement été nécessaire chez 15 % des patients du groupe SU, tandis que des perfusions complémentaires d’IFX ont été nécessaires chez 38 % des MC du groupe TD. Si aucune fistule n’a été observée dans le groupe TD, 2 ont été retrouvées dans le groupe SU. Trente quatre patients ont été suivis pendant 2 ans, 20 patients dans le TD et 14 dans SU. A 2 ans, la cicatrisation de la muqueuse était plus fréquemment observée dans le groupe TD avec une régression complète des ulcérations chez 75 % contre 21 %. Il est regrettable qu’il n’y ait pas une un bras étudiant les corticoïdes associés d’emblée aux immunosuppresseurs.

Les anti-TNF dans la prévention des rechutes de la maladie de Crohn

Au cours de cette UEGW, aucune nouvelle molécule issue de la biotechnologie n’a été révélée mais plusieurs études sur la prévention des rechutes avec les anti-TNF. Cette voie thérapeutique a été testée pour plusieurs molécules dont la voie d’administration sous-cutanée pourrait permettre une meilleure acceptabilité. WJ Sandborn et al (Rochester) ont montré que les patients mis en rémission par un traitement d’attaque par Adalimumab (anti-TNF monoclonal entièrement humanisé de type IgG1) la réponse clinique persistait dans 78 % des cas et la rémission dans 33 % avec un traitement d’entretien par une injection sous-cutanée de 40 mg toutes les 2 semaines. Pour le Certolizumab (CDP 870), anti-TNF administré par voie sous-cutanée, S Schreiber et al (Kiel) ont rapporté les résultats de l’étude PRECISE 2. Les 428 MC qui avaient répondus à un traitement par CDP 870 (400 mg en s/c à S0, S2 et S4), ont été randomisés pour recevoir un placebo ou 400 mg de CDP en s/c toutes les 4 semaines pendant 24 semaines. Le CDP 870 a permis chez l’ensemble des MC d’obtenir, à la 26 ème semaine, un maintien de la réponse chez 62,8 % des MC (vs 36,2 % pour le placebo) et de la rémission chez 47,9 % (vs 28,6 % pour le placebo) avec une bonne tolérance.

Pronostic des MICI

Les MICI sont des maladies sévères qui mettent parfois en jeu le pronostic vital. Les résultats des études de survie, sur lesquelles se basent les compagnies d’assurance afin d’établir leur barème, sont souvent discordants. BA Jacobsen et al. (Aalborg) ont révélé que, dans une cohorte de 810 MC suivie depuis 1978, il existe un risque de mortalité majoré par un facteur de 1,7. Ce sur-risque survient essentiellement durant la première année du diagnostic, chez les femmes et plus souvent en cas de localisation colique. En ce qui concerne la RCH, la même équipe, sur 1515 patients suivis depuis 1978, note l’absence de sur-risque de mortalité sauf chez les femmes (SMR = 1,3), chez les patients de plus de 70 ans (SMR = 1,3) et dans la première année du diagnostic (SMR = 2,2). Des résultats comparables sont retrouvés par l’enquête multicentrique européenne coordonnée par O Hoie et al (Arendal) qui retrouve, après 10 ans d’évolution, dans une cohorte de 792 RCH (âge médian au moment du diagnostic : 41,7 ans) un SMR de 1,10.