L’édition 2004 de l’UEGW a permis de montrer l’essor de ce congrès qui, jusqu’à présent, avait du mal à trouver sa place. Au cours de ces 3 journées, de nombreuses mises au point et publications sur les MICI avec une participation importante d’orateurs français.
L’endoscopie occupe une place primordiale dans la gestion des MICI non seulement à la phase diagnostique mais également dans le suivi. G d’Haens (Louvain) a rappelé que, si au cours de la maladie de Crohn (MC) traitée médicalement, il a bien été démontré que l’amélioration endoscopique ne préjugeait en rien du risque de récidive et qu’il était inutile de réitérer les examens, il n’en est pas de même lorsque la maladie a été blanchie chirurgicalement. Dans ce cas, il paraît essentiel de vérifier l’état de l’anastomose 6 à 12 mois après l’intervention, l’aspect de cette anastomose permettra de décider de la nécessité de la mise en route d’un traitement préventif des rechutes. Au cours de la RCH par contre, avant l’arrêt du traitement d’attaque, il est essentiel de vérifier la régression des lésions afin de limiter au maximum le risque de rechute. L’endoscopie est essentielle également dans la prévention du cancer colique au cours des colites étendues évoluant depuis plus de 8 ans et des colites gauches évoluant depuis plus de 10 à 15 ans. L’utilisation de la chromoendoscopie avec du bleu de méthylène permet de déceler plus facilement les zones dysplasiques. L’autofluorescence et le NBI (Narrow Band Imaging : endoscope muni d’un CDD séquentiel modifié par des filtres permettant une étude dans les longueurs d’ondes courtes du bleu) permettent de visualiser les pits patterns et d’orienter les biopsies, ces résultats mériteront d’être confirmés par de larges séries.
S Hanauer (Chicago) a rappelé que la RCH pose toujours d’importants problèmes thérapeutiques : un an après le diagnostic, si 50 % des patients n’ont plus de symptômes, 30 % ont une maladie de faible activité, 20 % ont des symptômes invalidant, une colectomie sera réalisée après 10 ans d’évolution chez 23 % des RCH et après 20 ans chez 31 %. Les perspectives thérapeutiques varieront en fonction de l’étendue, de la sévérité, des complications, des réponses antérieures au traitement. A l’escalade thérapeutique habituelle (ASA, corticoïdes, ciclosporine, chirurgie) est venue se surajouter l’azathioprine (AZA) dans les formes sévères afin de réduire la corticothérapie. Parmi les nouvelles thérapeutiques il est toujours difficile de se faire une idée sur les leucophérèses qui font, depuis quelques années, l’objet de publications par plusieurs équipes essentiellement japonaises. Cette technique consiste à retirer de la circulation sanguine les leucocytes et les lymphocytes activés qui ont une plus grande adhérence et de les empêcher, ainsi, de s’extravaser. A raison de 2 séances par semaine, pendant 3 à 5 semaines, les leucophérèses permettent à Y Suzuki et al. (Japon) de mettre en rémission 85 % de RCH actives (CAI médian 8,6), 60 % des patients restaient en rémission 8 mois plus tard. Une étude européenne rapportée par W Kruis et al. (Berlin) réalisée chez 34 RCH corticorésitantes et/ou AZA-résistantes montre qu’une leucophérèse par semaine pendant 5 semaines permet une rémission clinique et endoscopique chez respectivement 38,2 % et 29,4 % des patients. T Ljung et al. (Stockholm) ont élargi l’indication et proposé une leucophérèse par semaine durant 5 semaines à 100 MICI (49 RCH, 51 MC) dont 92 corticodépendants ou corticorésistants. Dès la première leucophérèse une rémission complète ou partielle a été obtenue chez respectivement 46 % et 22 % des patients et il ne paraît pas y a avoir de différence de réponse entre RCH et MC et la tolérance est excellente. Le mécanisme d’action des leucophérèses reste mystérieux mais ce traitement pourrait être proposé en première ligne chez les MICI réfractaires de faible activité d’autant qu’elles ont des manifestations extra-digestives.
Des traitements issus de la biotechnologie pour la RCH, nous ne retiendrons que le Visilizumab (VIS), anticorps humanisé dirigé contre la molécule CD3 du lymphocyte T. A Dignass et al. (Berlin) dans une étude multicentrique mondiale ont montré que le VIS chez les RCH à des doses de 5, 7,5 ou 10 µg/kg entraînait une réponse clinique chez 87 % et une rémission chez 27 % des RCH. La tolérance est bonne bien qu’une lymphopénie transitoire est fréquemment observée, ainsi qu’un « cytokine release syndrome » associant fièvre, frisson et céphalées (78 %).
Les spécialistes européens de la MC ont décidé de se pencher sur la prise en charge de leurs patients et, plutôt que d’utiliser le classique GOBSAT (Good Old Boys Sitting At a Table), ils ont tenté de réaliser un consensus européen. Les résultats en seront publiés dans les mois à venir dans GUT mais quelques éléments ont été diffusés à l’occasion de l’UEGW notamment en ce qui concerne la thérapeutique. Celle-ci doit être adaptée à la localisation de la maladie. En cas de localisation du grêle bénigne le budésonide ou les corticoïdes (CS) sont préconisés, le 5-ASA n’a pas d’indication ; dans les formes modérées localisées, un schéma identique est proposé, les antibiotiques ne sont indiqués qu’en cas de suspicion d’infection. En cas de localisation colique, l’ASA peut-être proposé dans les formes modérément active, dans les autres cas les CS sont indiqués. En cas de rechutes l’AZA doit être proposé, l’infliximab (IFX) doit être envisagé chez les patients résistants à la fois aux corticoïdes et aux immunosuppresseurs. Un traitement local peut-être proposé en cas d’atteinte distale. En cas d’atteinte étendue du grêle, les CS sont indiqués en cas de forme modérée ou sévère et l’AZA est recommandé (chez les patients intolérant le MTX doit être envisagé). L’IFX doit être associé en l’absence de réponse, la chirurgie n’est pas à envisager. En cas d’atteinte oeso-gastrique, les IPP seront proposés éventuellement en association aux CS, ou à l’AZA voire au MTX en cas d’intolérance. L’IFX est une alternative possible en cas résistance, des dilatations et la chirurgie doivent être proposées en cas de sténose. En cas de première poussée, si une rémission a été obtenue médicalement, un traitement d’entretien par mésalazine est une option thérapeutique possible bien qu’il n’y ait pas de preuve formelle de son efficacité. Une prophylaxie est recommandée après résection chirurgicale, le traitement de choix est la mésalazine à une dose supérieure à 2g/j.
En ce qui concerne les molécules issues de la bio-technologies quelques publications intéressantes. DG MacIntosh et al. (Halifax) ont rapporté une étude contrôlée en double aveugle portant sur 290 MC modérées montrant que l’adalimumab, anticorps monoclonal IgG1 totalement humanisé, permettait la mise en rémission de 30 % des patients. P Rutgeerts et al (Louvain) ont confirmé que l’onercept (monomère du récepteur p55 du TNF) s’il était bien toléré ne permettait pas d’améliorer les MC actives à des doses de 10 à 50 mg en sous-cutanée 3 fois par semaine durant 8 semaines. Compte tenu de la bonne tolérance des essais avec des doses supérieures sont envisagées. Les injections répétées d’infliximab (IFX) sont sources de réaction d’hypersensibilité, M Noman et al. (Louvain) ont montré que l’AZA ete le MTX permettait de réduire de façon équivalente l’immunogénicité de l’IFX. G Van Assche et al. (Louvain) ont montré chez 133 MC actives qu’une injection de 4 ou 10 mg/kg de fontolizumab (HUZAFTM) n’entraînait une amélioration significative que chez les MC ayant une CRP élevée. J Korzenik et al. (Boston) ont rapporté les résultats obtenus avec l’injection sous-cutanée de 6mcg/kg/j pendant 56 jours de sargramostim (facteur de croissance hématopoiétique) chez 124 MC actives modérées à sévères. Ce traitement est bien toléré et permet une réponse clinique chez 54 % des MC, une rémission clinique chez 40 % quelque soit la valeur de la CRP. La tolérance est bonne mise à part des réactions locales fréquentes (90 %) et des douleurs osseuses (37 %). Un nouveau cycle de 8 semaines est bien toléré, J Valentine et al. (Gainesville) ont mentionné que les effets secondaires sont moins fréquents (douleurs osseuses : 20 %) avec une efficacité équivalente. KR Herrlonger et al. (Stuttgart) ont montré chez 51 MC bénignes à modérées qu’une injection par semaine pendant 12 semaines d’interleukine 11 recombinante humaine permettait de mettre en rémission les patients mais que la réponse était plus tardive et inférieure à celle obtenue avec 60 mg de prednisolone par jour.
En ce qui concerne la prévention des rechutes de la MC, à signaler l’étude prospective ouverte de S Ardizzone et al. (Milan) qui ont montré, dans une série prospective de 142 MC, un effet comparable de l’azathioprine et du Pentasa dans la prévention des rechutes de la MC mise en rémission par traitement médical et chirurgical. Toutefois l’analyse des sous-groupes montre que l’AZA est plus efficace dans la prévention des rechutes chez les patients déjà opérés, par contre le tabagisme et la présence de fistule ne sont pas des facteurs discriminants. Ceci conduit les auteurs à préconiser la prise de Pentasa en première intention dans la prévention des rechutes sauf chez les patients qui sont à risque d’intervention ultérieure et menacés de grêle court.