La dernière UEGW a été riche en publications sur les MICI. Tous les volets de ces affections ont été abordés quil sagisse de recherche fondamentale, dépidémiologie et bien évidemment des résultats des différentes thérapeutiques.
Les publications concernant le gène CARD15 restent importantes et il semble se préciser que si les principales mutations du gène (R720W, G908R, et 1007fs) sont retrouvées fréquemment au cours de la MC en Europe occidentale et en Amérique du Nord, des mutations différentes sont présentes en Asie, en Afrique mais également que la répartition est différente dans certaines régions dEurope. Ainsi dans le Nord-Ouest de lEspagne, la fréquence de ces mutations, significativement plus importante que chez des témoins, est nettement moins importante que dans les séries rapportées par les auteurs français, belges, américains. Si certains profils de la maladie semblent associés à une mutation du gène CARD15 (les MC porteurs dune double mutation auraient plus souvent des granulomes, moins de localisation colique, plus de fistules et débuteraient leur maladie plus tôt), H Peters et al. (Gand) ont montré que chez les MC ayant une sacro-iliite radiologique, des mutations du gène CARD15 associées à un haut titre dASCA, seraient observées plus fréquemment que chez les MC sans sacro-iliite. La génétique pourrait également rendre compte des constations faites par L Caserta et al. (Naples). Ces auteurs ont montré que la fréquence des cancers chez les apparentés du 1er degré de malades porteurs de MC était plus élevée mais de façon non significative, toutefois le nombre de cancers du sein chez les mères et surs de patients porteurs de MC atteint 2,4 % contre 1,1 % attendu soit un risque relatif de 2,3 %.
AK Shetty et al. (Londres) dans une étude prospective portant sur 888 patients porteurs de MICI ont montré, que par rapport à une population témoin, une augmentation de la fréquence de la sclérose en plaques (0,8 %), il en est de même pour les neuropathies périphériques (1,4 %), lépilepsie (1,6 %). Par contre migraine, myasthénie et surdité ne paraissent pas significativement plus fréquents que dans une population témoin.
En ce qui concerne lépidémiologie des MICI, il semble que lincidence de la MC et de la RCH évolue de façon différente suivant les régions. Ainsi TR Card et al. (Derby) confirment les différents travaux récemment publiés qui montre que lincidence de la MC a cessé daugmenter et que le pic dincidence serait survenu entre 1976 et 1990. F Molinie (Lille), au contraire, montre avec les données du registre EPIMAD que lincidence de la MC a augmentée de 27 % dans les 12 dernières années dans le Nord-Est de la France, tandis que, durant la même période, lincidence de la RCH a diminué de 17 %. Ainsi des facteurs environnementaux pourraient encore agir dans le Nord-Est de la France. Une augmentation analogue de lincidence de la MC mais également de la RCH est observée dans le conté de Jutland par BA Jacobsen et al. (Aalborg).
Capsule et échographie semblent promis à un développement dans la prise en charge de la MC. Dans une étude portant sur 35 patients suspects de MC et comparant la capsule, lentéroscanner (CT) et le transit du grêle, R Eliakim et al. (Haifa) ont montré que la capsule permet de confirmer le diagnostic fait par les autres méthodes dans 25 % des cas, montre une extension plus importante de la maladie dans 17 % des cas, permet daffirmer un diagnostic méconnu dans 22 % des cas, élimine le diagnostic dans 28 % des cas, permet de faire un autre diagnostic dans 20 % des cas. Lutilisation de 300 à 800 ml de PEG permet une distension de la lumière intestinale qui favorise lexploration du grêle par échographie. F Parente et al. (Milan) ont utilisé cette technique chez 72 MC et lont comparé à léchographie standard et au transit du grêle. Lutilisation dun contraste permet de faire passer la sensibilité dans la détection des sténoses de 77 à 86 %, Pour déterminer lextension de la maladie, le coefficient de corrélation entre léchographie standard et avec utilisation de contraste passe de 0,78 à 0,93 ce qui pourrait en faire, sous réserve de son caractère opérateur dépendant, une technique quasiment comparable au transit du grêle. Les même auteurs montrent, dans une étude portant sur 102 MC ayant subi une résection intestinale, que léchographie est également capable, en montrant un épaississement de la muqueuse de plus de 7 mm 6 à 12 mois après lintervention (épaisseur normale : inférieure à 5 mm), didentifier précocement les patients à haut risque de récidive.
Comme à lhabitude les publications abordant la thérapeutique ont été nombreuses, tant en ce qui concerne les traitements usuels que les nouveautés.
Déjà abordée à lAGA, mais sur un nombre restreint de patients, le rôle des hémaphèrèses a de nouveau été évoqué par les auteurs japonais. En réduisant le nombre de granulocytes et de macrophages, les hémaphérèses pourraient diminuer les leucocytes activés et ainsi linflammation au cours de la RCH. H Hanai et al., à raison dune séance dhémaphérèse par semaine pendant 10 semaines, ont pu diminuer lactivité de la RCH, tout en réduisant la dose de corticoïdes. Sawada K et al (Tokyo) ont rapporté dans une étude multicentrique intéressant 53 patients traités par 5 séances dhémaphérèse à une semaine dintervalle et 23 mg de prednisolone et comparées à 52 patients qui ont été traités par 63 mg de prednisolone. Une amélioration (très faiblement significative : p = 0,045) a été observée dans le groupe hémaphérèse : 58,5 % versus 44,2 %, mais lanalyse des sous-groupes montre que lefficacité des hémaphérèses est plus importante chez les RCH sévères et corticorésistantes. On reste un peu surpris que ces travaux ne proviennent que déquipes japonaises, si le mode daction paraît intéressant, il reste encore à démontrer lintérêt de cette approche thérapeutique par des études aux protocoles plus rigoureux et portant sur un nombre de patients plus importants.
Jusquà présent les nouvelles molécules issues de la biotechnologie ne sétaient pas avérées très efficaces dans la RCH. Des innovations semblent apparaître. Le blocage des interactions endothélium leucocyte vasculaire paraît pouvoir devenir une stratégie thérapeutique prometteuse au cours des MICI. Lintégrine alpha4 béta7 intervient dans le recrutement sélectif des lymphocytes dans lendothélium vasculaire de lintestin. Son ligant, le MadCaM est quasiment exclusivement exprimé dans lendothélium vasculaire intestinal. Feagan et al. (Toronto) dans un essai multicentrique, en double aveugle, randomisé ont testé lefficacité et la tolérance du MLN-02, un anticorps monoclonal humanisé dirigé contre alpha4 béta7 chez 181 RCH modérément actives (score UUCS de 5, score de Baron supérieur ou égal à 2). Le MLN-02, à la dose de 0,5 ou 2 mg/kg, par voie veineuse à J1 et J29 a permis dobtenir, à J43, une rémission chez respectivement 33 %, et 34 % des RCH traitées par 0,5 et 2 mg de MLN-02 contre 15 % chez les patients traités par placebo. Un seul effet secondaire a été observé chez un patient (dème).
Toujours au cours de la RCH, le RDP58, un nouveau peptide anti-inflammatoire qui inhibe la production de TNF alpha, dIL2et dIL12, a été testé dans une étude multicentrique randomisée en double aveugle par Travis SPI et al. (Oxford) chez 127 RCH modérément actives (score UUCS de 4-9), à la dose de 100, 200 ou 300 mg/j par voie orale pendant 4 semaines. Il apparaît que la dose optimale est de 200 mg/j permettant une rémission clinique chez plus de 70 % des patients sans que les effets secondaires soient plus important que dans le groupe placebo.
En ce qui concerne la MC les publications ont été nombreuses tant en ce qui concerne les thérapeutiques classiques (budésonide, salicylates, azathioprine) que les molécules innovantes avec toujours en vedette linfliximab (IFX). Si plusieurs publications sur le budésonide nont fait que confirmer des données connues, elles ont lavantage dintéresser des séries incluant un nombre important de patients. Dans un essai multicentrique portant sur 380 MC touchant liléon et/ou le côlon ascendant, W Sandborn et al. (Rochester) ont montré que le BUD à la dose de 6 mg/j retarde les rechutes à 6 mois (37 %) par rapport au placebo (50 %), toutefois la différence à un an nest pas significative. DJ de Jong et al. (Amsterdam), dans un essai randomisé en double aveugle sur 157 MC, ont montré que lutilisation de 9 mg/j napporte pas de bénéfice supplémentaire. R Löfberg et al. (Stockholm), sur plus de 500 patients traités par 9 mg/j de BUD retrouve 34 % de syndrome cushingoïde à court terme et 30 % chez les patients recevant un traitement prolongé par 3 à 6 mg/j, ces fréquences sont nettement inférieures à celles observées au cours des traitements par prednisolone (48 %) mais bien plus élevées que ce qui est observé dans les groupes placebo.
La place de lazathioprine (AZA) dans le traitement de la MC reste primordial à la fois pour la mise en rémission et pour le maintien de cette rémission. Lors de linstitution dun traitement par AZA, X Roblin et al. (Grenoble) montrent chez 72 patients que le dosage des 6-TGN est utile. Un taux de plus de 250 pmol permet dinduire une rémission chez la majorité des patients. Ce monitorage permet de réduire le délai defficacité de lAZA. Labsence defficacité après 2 mois de traitement avec un taux de 6-TGN supérieur à 250 pmol est prédictif dune résistance au traitement chez 85 % des patients. La mesure du taux des 6-TGN pour prédire lefficacité du traitement reste discuter comme le montre A Boureille et al. (Nantes) qui montre que 40 % des MC mis en rémission clinique ont un taux de 6-TGN inférieur à 250pmol, quil ny a pas de différence significative entre le taux de 6-TGN et la rémission, que les doses habituelles de 2 mg/kg/j ne permet dobtenir un taux de 6-TGN supérieur à 250pmol que chez un tiers des patients. En cas dintolérance à lAZA, lutilisation par DJ de Jong et al. (Amsterdam) 6-thioguannine, à la dose de 10 à 40 mg/j chez 50 MICI, na pas entraîné de leucopénie, 8 % des patients ont eu une augmentation des enzymes hépatiques, après un an, il na pas été observé de signe dhypertension portale. Un essai analogue portant sur 45 patients a été réalisé par M Harrer et al. (Vienne), qui concluent également de lefficacité du 6-thioguanine. Une élévation des enzymes hépatiques na été notée que chez 4 % des patients. Il faut toutefois noter que le dosage de 6-TGN érythrocytaire et de 6-MTGN na pas été publié et quaucun patient na subi de PBH à la recherche dune hyperplasie nodulaire même si les doses utilisées sont moindres que dans les cas de complications hépatiques rapportées par Dubinsky et al. Une prédisposition génétique pourrait être responsable des pancréatites survenant au cours des traitements par AZA dans les MICI : R Weersma et al. (Groningen) montrent que la fréquence des pancréatites sous AZA est plus élevée au cours de la MC, de la RCH et de la polyarthrite rhumatoïde quau cours du lupus, de la maladie de Wegener, des hépatites auto-immunes, des transplantations rénales
Pour LL Derijks et al. (Amsterdam), la détermination du génotype TPMT na pas de valeur prédictive dune myélotoxicité ou dune hépatotoxicité de lAZA et ne permet pas de remplacer la surveillance régulière du nombre des globules blancs et des fonctions hépatiques. Quant à la durée du traitement de maintien en rémission, M Villen et al. (Copenhague) ont montré que des patients, maintenus en rémission pendant plus de 2 ans par AZA à des doses supérieures à 1,6 mg/kg, rechutent dans 66 % des cas le plus souvent 6 à 12 mois après larrêt.
Linfliximab (IFX) garde une place prépondérante dans les publications. Marc Lémann (Paris) et le GETAID ont évalué lefficacité de lIFX associé à AZA ou au 6-MP chez les MC corticodépendantes. Cent quinze patients ont participé à lessai, 56 chez qui lAZA avait été initialement inefficace et 59 qui navaient jamais reçu dAZA. Cinquante sept ont reçu de lIFX, 58 du placebo. Soixante quinze pour cent des patients ayant reçu IFX et AZA ont pu être sevré en corticoïdes contre 57 % des patients nayant reçu que de lAZA. X Roblin et al. (Grenoble) ont montré, dans une étude prospective, quil pouvait exister des interactions entre lIFX et lAZA. En effet le taux de 6-TGN augmente de façon transitoire mais significative entre la 1ère et la 3ème semaine suivant une injection dIFX.. Cette donnée est certainement importante à prendre en compte alors quon envisage des traitements dentretien avec des injections dIFX toutes les 8 semaines. Si lIFX a prouvé son efficacité à court terme dans le traitement de la MC active ou avec lésions ano-périnéales, C Poupardin et al. (Paris) montrent que, au terme dun suivi médian de 15 mois, sur 137 MC une rechute a été observée an moyenne à 6 mois, 73 patients ont dû recevoir une injection supplémentaire, 39 ont reçu plusieurs injections. Aucun facteur prédicitif na pu être isolé quil sagisse de la consommation de tabac, de la prise simultanée dAZA ou de lancienneté de la maladie. Lavantage essentiel semble être la réduction de la dose totale de corticoïdes.
Lessai ACCENT II a montré que ladministration toutes les 8 semaines dIFX aux MC porteurs de fistules ayant répondu à un traitement initial permettait de maintenir la fermeture des fistules. SJ van Deventer et al. (Amsterdam) montrent que quel que soit le nombre de fistule la réponse est équivalente : le nombre de rechutes est 3 fois moins élevé dans le groupe traité par IFX toutes les 8 semaines que dans le groupe recevant le placebo. La même équipe montre que le traitement par IFX permet de réduire de près de 60 % le nombre dhospitalisations (7,3 % dhospitalisations dans le groupe IFX contre 18,2 dans le groupe placebo).
Parmi les autres travaux concernant la MC, il faut rappeler que lors de la dernière AGA, léquipe de S Schreiber (Kiel) avait montré, dans une étude de phase II, que le CDP870, fragment danticorps anti-TNF, pégylé et humanisé, était efficace dans le traitement de la maladie de Crohn (MC). Il apparaissait dans cet essai que la valeur de la CRP était un facteur prédictif de lefficacité. Dans cette nouvelle analyse de lessai qui portait sur 292 MC actives (CDAI compris entre 250 ), ladministration de CDP870 par voie sous-cutanée à la dose de 400 mg chez les MC ayant une CRP supérieure ou égale à 10 entraîne une réponse rapide et prolongée. Par ailleurs dans une autre publication, les même auteurs montrent que sur 287 patients traités par le CDP870 par voie IV ou sous-cutanée la tolérance est bonne et semble meilleure que celle des autres traitements biologiques.
Y Gonzales Lama et al. (Madrid) ont montré sur une petite série de patients porteurs de MC (9) avec fistules périnéales ou entérocutanées, nayant répondu ni au antibiotiques, ni aux immunosuppresseurs, ni à lIFX, le Tacrolimus, à la dose de 0,05 mg/kg (ajusté secondairement pour obtenir un taux sérique entre 5 et 15 ng/ml) pouvait permettre dobtenir la fermeture des fistules dans 33 % des cas et une réponse partielle dans les autres cas. Ce traitement a permis par ailleurs le sevrage en corticoïdes et en immunosuppresseurs.
Le coût des MICI est toujours mis en exergue. Ce coût est en partie liée aux thérapeutiques utilisées. M Daphnie et al. (Turin) ont montré que les dépenses occasionnées par les prescriptions médicamenteuses dun patient porteur de MICI sélevaient à 782 par an contre 157 pour un patient non atteint de MICI. Les salicylates représentent la part la plus importante (39 %) tandis que les immunosuppresseurs ne représentent que 1 % de ces dépenses. Il est à souligner que les dépenses pharmaceutiques liées au MICI ne représentent toutefois que 0,47 % des dépenses. Sil est bien démontré que lIFX améliore considérablement la qualité de vie, permet-il de réduire les dépenses de santé ? Jewell DP et al (Oxford) ont essayé de répondre à cette question en faisant un audit sur 139 MC traitées par IFX. Il en ressort une diminution du nombre de consultation, dexplorations complémentaires et des interventions chirurgicales. Surtout 645 journées dhospitalisation ont été économisées. Si lon prend en compte que ces coûts directs, un traitement par IFX entraîne un excès de dépenses de 1 128 par patient. Ce qui apparaît dérisoire en comparaison de lamélioration de la qualité de vie et surtout il convient de signaler que ne sont pas pris en compte les coûts indirects que constituent notamment les arrêts de travail, dautant que le nombre de patients devant bénéficier dune telle thérapeutique reste mineur.