Enquête de pratique sur l’utilisation de l’albumine chez le patient cirrhotique (ALBU-LIVE)

1. Etat de la question

L’utilisation d’albumine humaine est fréquente chez les patients atteints de cirrhose. Les modalités de son utilisation sont multiples et ont été revues dans une mise au point récente [1]. Trois indications sont validées : la ponction d’ascite évacuatrice, l’infection du liquide d’ascite (au moins pour un sous-groupe de patients à haut risque) et le syndrome hépato- rénal de type 1.

Ponction d’ascite évacuatrice

En termes de volumes de prescription, la ponction d’ascite est de loin prédominante. Dans cette indication, la perfusion d’albumine vise à prévenir la survenue d’une dysfonction circulatoire post-ponction (PCD). Cette complication serait associée à une récidive plus rapide de l’ascite, à une augmentation de l’incidence de l’hyponatrémie et de l’insuffisance rénale, et à une diminution de la survie [2]. Il a été démontré qu’une perfusion d’albumine, à la dose de 7-8 g par litre d’ascite soustrait, permet de prévenir la PCD. Cependant le coût de l’albumine est élevé, et de nombreux essais ont comparé l’efficacité de thérapeutiques alternatives moins onéreuses – colloïdes de synthèse ou vasoconstricteurs – à celle de l’albumine. Une méta-analyse de ces études vient de conclure à la supériorité de l’albumine par rapport aux différentes alternatives proposées pour réduire la dysfonction circulatoire, l’hyponatrémie et la mortalité associées aux grandes ponctions évacuatrices [3]. Pour un volume d’ascite soustrait de moins de 5 litres, l’administration d’albumine n’est pas recommandée. Cependant, dans les situations cliniques suivantes : insuffisance rénale modérée, hypoalbuminémie marquée, œdème des membres inférieurs importants, insuffisance hépatique notable, nombre d’hépatologues y ont quand même recours.

Infection du liquide d’ascite (ILA)

Dans l’infection du liquide d’ascite (ILA), l’association de perfusions d’albumine à J1 et à J3 à l’antibiothérapie diminue l’incidence de l’insuffisance rénale et la mortalité [4]. L’administration d’albumine est d’autant plus utile qu’il existe des critères de gravité de la maladie hépatique et/ou une insuffisance rénale. Cependant, les modalités d’administration proposées sont complexes et souvent jugées excessives, voire potentiellement délétères, et nombre de praticiens préfèrent prescrire des doses plus faibles, mais répétées sur plusieurs jours.

Syndrome hépato-rénal

En cas d’insuffisance rénale, l’absence d’amélioration après administration d’albumine fait maintenant partie des critères de diagnostic de syndrome hépato-rénal [5]. Dans le 2 syndrome hépato-rénal (SHR) de type 1, l’albumine potentialise l’action des vasoconstricteurs [5]. Elle fait désormais partie, en association avec la terlipressine ou la noradrénaline, du traitement du SHR de type 1 [6]. Les données sont moins claires dans le SHR de type 2 souvent associé à l’ascite réfractaire.

Autres situations cliniques

Les données de la littérature concernant l’intérêt de l’utilisation de l’albumine dans les infections bactériennes sévères hors ILA sont contradictoires. Alors qu’une étude espagnole suggérait que l’administration d’albumine pourrait permettre de diminuer la morbi-mortalité [7], la grande étude multicentrique française coordonnée par T. Thevenot était négative avec une surmortalité dans le groupe recevant de l’albumine ayant conduit à un arrêt prématuré de l’étude [8]. Il existe quelques données suggérant une utilité de l’albumine dans le traitement de l’hyponatrémie sévère de dilution [9, 10]. Certains cliniciens utilisent l’albumine en cas d’hypoalbuminémie sévère avec ou sans ascite, parfois avec administration concomitante de furosémide en intraveineux et/ou dans le flacon d’albumine [11]. Enfin, il a été suggéré lors de la conférence du consensus sur l’HTP de 2003 que l’albumine devrait être utilisée comme soluté de compensation après ponctions pleurales répétées, selon des modalités comparables à celle de la ponction d’ascite [12].

Par ailleurs, il persiste de nombreuses incertitudes. Initialement rapportée à son pouvoir d’expansion volémique, il apparait maintenant que l’efficacité de l’albumine pourrait s’expliquer par d’autres mécanismes. De fait, l’albumine possède un ensemble de propriétés physiologiques,  notamment  anti-oxydantes,  anti-inflammatoires  et  de  protection endothéliale, qui sont susceptibles d’améliorer la dysfonction circulatoire et la contractilité cardiaque. La question des modalités optimales d’utilisation de l’albumine n’est donc pas résolue. Il faut en effet souligner que, dans toutes les indications validées, les doses proposées sont largement empiriques.

2. Objectifs de l’enquête

L’objectif principal de l’enquête est d’évaluer les pratiques des hépato-gastroentérologues hospitaliers français en matière de prescription d’albumine chez les patients atteints de cirrhose (adhésion, mais aussi écarts, par rapport aux recommandations ; utilisation dans des indications non validées).

Les objectifs secondaires sont :

  • d’évaluer le degré de systématisation de ces pratiques (existence de protocoles écrits) ;
  • de rechercher des différences selon le lieu d’exercice ou le statut des praticiens.

3. Population d’enquête

Tous les praticiens (praticiens hospitaliers, praticiens attachés, assistants, internes) de tous les services d’hépato-gastroentérologie français de CHU et de CHG seront invités à participer à titre individuel.

4. Méthode d’enquête

Type d’enquête

Enquête déclarative, anonyme, multicentrique

  • L’enquête est basée sur un questionnaire demandant à chaque praticien de décrire ses pratiques à travers des réponses à une série de questions fermées et ouvertes.
  • Ce questionnaire sera rempli et renvoyé au coordonnateur de l’enquête de façon anonyme. Les seules caractéristiques du praticien renseignées sur le questionnaire seront son département français d’exercice, son âge, son statut hospitalier et son appartenance à un CHU ou à un CHG.
  • Il s’agira de couvrir le mieux possible tout le territoire français en sollicitant tous les CHU et tous les CHG, avec plusieurs relances.
  • Afin de pouvoir remercier tous les participants à l’enquête par une citation en fin de présentation ou de publication, il sera donné la possibilité à chacun d’informer le groupe de travail par e-mail qu’il a rempli et renvoyé le questionnaire en communiquant son nom et son hôpital d’appartenance.

Données recueillies

Le questionnaire comporte :

  1. une série de questions concernant les pratiques pour trois indications validées (ponction d’ascite évacuatrice, syndrome hépato-rénal de type 1, infection du liquide d’ascite) de perfusion d’albumine chez le patient cirrhotique ; et
  2. des questions concernant d’autres situations cliniques pour lesquels l’utilisation d’albumine n’est pas validée, mais a fait l’objet de publications et/ou pourrait être envisagée.

5. Durée et modalités d’organisation de l’enquête

L’enquête durera trois mois, de mai à juillet 2014. Un appel à participation des praticiens sera effectué au moyen d’une sollicitation par email de tous les services d’hépato- gastroentérologie français de CHU et de CHG.

Il est prévu :

  • d’informer préalablement les hépato-gastroentérologues hospitaliers français de cette enquête par deux mails d’annonce, l’un immédiatement après les JFHOD 2014, l’autre quinze jours avant l’envoi du questionnaire ;
  • le questionnaire sera envoyé par e-mail aux alentours du 1 er mai 2014, en demandant aux praticiens hospitaliers de le diffuser largement dans leur service (attachés, assistants, internes, pour lesquels il sera difficile d’obtenir une adresse mail) ;
  • des mails de relance seront adressés mi mai, fin mai, mi juin, fin juin, et mi juillet avec une fin d’enquête prévue fin juillet.

Les questionnaires devront être renvoyés anonymement par courrier au coordonnateur de l’enquête.

6. Méthode d’analyse des données

Les réponses aux questionnaires feront l’objet d’un codage. Les données seront ensuite réunies dans un fichier Excel.

L’analyse statistique sera effectuée à l’aide du logiciel Statview. Toutes les données sont catégorielles et seront décrites par leur compte et pourcentage. Les comparaisons entre les groupes (CHU vs CHG, types de statut hospitalier) seront effectuées à l’aide du test du chi-2.

7. Groupe de travail

Le groupe de travail est constitué par : JF Cadranel (Creil), A Pauwels (Gonesse), A Garioud (Creil), J Denis (Corbeil), Thierry Thévenot (Besançon ), Bertrand Hanslik (Montpellier), Jean- Baptiste Nousbaum (Brest) et Thong Dao (Caen).

Le promoteur de l’étude est l’ANGH (Association Nationale des Hépato-Gastroentérologues des Hôpitaux Généraux).

8. Références

  1. Pauwels A, Simo A.C, Dhalluin-Venier V, Medini A. Quand et comment prescrire de l’albumine à un malade atteint de cirrhose ? Hépato-Gastro 2010 ; 17 : 179-86.
  2. Gines A, Fernandes-Esparrach G, Monescillo A et al. Randominzed trial comparing albumin, dextran 70, and polygeline in cirrhotic patients with ascites treated by paracentesis. Gastroenteroloy 1996 ; 111 : 1002-1010.
  3. Bernardini M, Caraceni P, Navickis RJ, Wilkes MM. Albumin infusion in patients undergoing large-volume paracentesis : a meta-analysis of randomized trials. Hepatology 2012; 55 : 1172-1181.
  4. Sort P, Navasa M, Arroyo V et al. Effect of intravenous albumin on renal impairment and mortality in patients with cirrhosis and spontaneous bacterial peritonitis. Display settings : abstract. N Engl J Med. 1999; 341 : 403-9.
  5. Ortega R, Ginès P, Uriz J et al. Terlipressin therapy with and without albumin for patients with hepatorenal syndrome : results of a prospective, nonrandomized study. Hepatology 2002 ; 36 : 941-948.
  6. Salerno F, Gerbes A, Ginès P et al. Diagnosis, prevention and treatment of hepatorenal syndrome in cirrhosis. Gut 2007 ; 56 : 1310-1318.
  7. Guevara M, Terra C, Nazar A et al. Albumin for bacterial infections other than spontaneous bacterial peritonitis in cirrhosis. A randomized, controlled study. J 5 Hepatol 2012; 57 : 759-65.
  8. Thevenot T, Bureau C, Oberti F et al. Intérêt des perfusions d’albumine au cours des infections bactériennes autres que l’infection spontanée du liquide d’ascite chez des patients cirrhotiques sévères. Premiers résultats d’un essai multicentrique randomisé contrôlé. Soumission : 73 ème journées scientifiques de l’AFEF. Octobre 2013.
  9. Jalan R, Mookerjee R, Cheshire L et al. Albumin infusion for severe hyponatremia in patients with refractory ascites : a randomized clinical trial. J Hepatol 2007 ; S95.
  10. Deleporte A, Hourmand O, Lefebvre et al. Traitement par perfusion d’albumine de l’hyponatrémie du patient cirrhotique : étude contrôlée. Gastroenterol Clin Biol 2009 ; 33 : 250.
  11. Rowland JE, Spencer AP, Eisele G. Combined furosemide and human albumin treatment for diuretic-resistant edema. Annals Pharmacotherapy 2003 ; 37 : 695-700.
  12. Cadranel JF, Jouannaud V, Duron JJ. Prise en charge d’un hydrothorax hépatique. Gastroenterol Clin Biol 2004 ; 28 : B287-B300.