Apprendre à vivre avec une maladie inflammatoire chronique intestinale

Vivre avec une maladie chronique n’est pas toujours facile.

Dès l’annonce du diagnostic se pose la question de la qualité de l’existence que l’on va désormais mener.

Comprendre son affection, parler avec son médecin des conséquences de celle-ci sur la vie de tous les jours, éventuellement mettre en place des aménagements utiles, et finalement accepter la nouvelle situation, est sûrement le meilleur moyen de préserver la qualité de la vie.

L’EXPÉRIENCE DES AUTRES MALADES

Sachez que votre médecin se préoccupe de votre qualité de vie ; avec ses confrères il a mené des enquêtes auprès d’autres patients sur le retentissement des MICI dans la vie scolaire, professionnelle et familiale : plus de la moitié des patients considèrent que la maladie modifie leur vie quotidienne en raison :

  • de symptômes gastro-intestinaux,
  • de signes systémiques (fatigue, sensation de mal-être),
  • de répercussions psychologiques,
  • de problèmes sociaux.

Même si vos capacités physiques et professionnelles seront parfois influencées par votre maladie, la plupart d’entre vous sera capable de mener à bien une carrière professionnelle voir sportive réussie.

Votre maladie n’est pas un handicap à la pratique de vos loisirs favoris. Néanmoins, lors des poussées évolutives de la maladie, vous choisirez des activités calmes (cinéma, spectacles, sorties).

Quant au sport, plus d’un malade sur trois le pratique normalement. Enfin, comme la plupart des patients, vous mènerez une vie familiale satisfaisante. Votre maladie ne doit pas vous inquiéter de manière excessive, car la majorité des malades atteints d’une MICI a une vision optimiste de l’avenir.

APPRENDRE À VIVRE SA MALADIE : NE PAS RESTER SEUL

Les moyens thérapeutiques actuels sont le plus souvent d’une grande efficacité. Ils permettent désormais d’endiguer les poussées, de prévenir les récidives, de maintenir la stabilité des rémissions de la maladie inflammatoire intestinale.

Vivre au mieux sa maladie, au plus près du quotidien, doit être donc votre priorité. Se rebeller inutilement ou s’isoler sont les conditions fondamentales auxquelles vous ne devez pas céder.

Votre médecin traitant et les spécialistes qui vous entourent doivent répondre à vos interrogations : consultez-les et dialoguez avec eux en toute confiance.

La vie scolaire de l’enfant, étape psychologiquement et physiquement délicate, doit être protégée et rendue la plus confortable possible par des échanges permanents parents-enseignants.

Ne vous isolez pas, partagez vos soucis avec votre entourage familial et vos amis, qui vous écouteront et vous soutiendront ; ils peuvent même vous accompagner chez votre médecin.

Rompez le silence, vous n’êtes pas seul à souffrir de votre maladie. Partagez l’expérience des autres malades en adhérant à des associations de patients souffrant de MICI, telle que l’AFA ( Association François Aupetit ) ou en vous inscrivant pour suivre des séances d’éducation thérapeutique.

VIVRE AVEC UNE MICI : LES ASPECTS SOCIAUX

Le plus souvent, grâce à quelques aménagements, la vie sociale est peu modifiée par l’évolution d’une MICI. Mais les MICI peuvent soumettre les patients atteints à des contraintes de deux ordres :

  • une menace strictement médicale (évolutivité de la maladie, complications ou effets secondaires des traitements),
  • une pénalisation financière (coût du traitement, couverture complémentaire, difficulté à travailler, difficulté à emprunter pour investir) dont la prise de conscience s’est accompagnée de la mise en place d’un certain nombre de dispositifs compensatoires.

LA COUVERTURE DES FRAIS MÉDICAUX

L’affection de longue durée : ALD

Un certain nombre de maladies chroniques nécessitant des soins fréquents et de longue durée donnent droit à une prise en charge à 100% par la Sécurité Sociale. Tel est le cas de la rectocolite ulcéro-hémorragique et de la maladie de Crohn dans leurs formes « évolutives » qui figurent dans la liste des affections de longue durée (ALD 30) établie par le Haut Comité de la Sécurité Sociale. Cela signifie qu’un assuré ou un de ses « ayants droit » atteint de RCH ou de MC bénéficiera, pour les frais occasionnés exclusivement par le traitement de ces affections, de l’exonération totale du paiement du ticket modérateur.

Dans le cas des MICI, le libellé de l’ALD précise que cette règle ne s’applique qu’aux formes évolutives.

RCH : Faire la demande au moment d’une poussée

Pour la RCH, le caractère évolutif de la maladie se définit comme «

l’existence d’une diarrhée et/ou d’un syndrome dysentérique le plus souvent muco-hémorragique parfois associés à des signes généraux et/ou à des manifestations systémiques».

Une demande de prise en charge à 100% ne pourra donc intervenir que si le patient présente bien les signes d’évolutivité, telle que définie précédemment, au moment où sera déposée la demande.

Au terme de cette période de douze mois, la situation devra être reconsidérée. La prise en charge sera reconduite pour une nouvelle période de douze mois, excepté le cas où la maladie sera restée silencieuse pendant les six derniers mois au moins, avec confirmation de l’amélioration clinique à l’endoscopie*. Dans ce cas, l’exonération du ticket modérateur pourra être suspendue, le coût du traitement d’entretien ne justifiant pas en soi le maintien de l’exonération.

Enfin, les patients qui ont subi une colectomie* totale peuvent bénéficier d’une prise en charge à 100% durant les mois suivant l’intervention et tant que persistent des séquelles nécessitant des soins particuliers.

Maladie de Crohn

La prise en charge est plus simple : toute MC dont le diagnostic est parfaitement établi peut être prise en charge à 100%. Le seul cas où cette prise en charge à 100% peut être suspendue est celui des formes de la maladie opérées et « blanchies » chirurgicalement (intervention au cours de laquelle il a été possible d’enlever toutes les lésions infllammatoires), ne présentant aucune séquelle postopératoire nécessitant un traitement régulier, et ne récidivant pas pendant les deux années qui suivent la chirurgie.

Comment faire la demande du 100%

La réforme de l’Assurance Maladie votée en août 2004 a remplacé le formulaire Pires, qui datait de 1988, par un nouveau protocole de soins, qui a pour ambition d’améliorer l’information des patients et la coordination entre médecins généralistes et spécialistes.

Son établissement comporte 4 étapes :

  • Le médecin traitant, considéré comme le pivot du dispositif de soins pour les malades en ALD, chargé de remplir le document en concertation avec le ou les spécialistes qui interviennent dans la prise en charge de l’ALD du patient, dresse la liste précise des soins dont la prise en charge à 100% est demandée.
  • Le protocole est envoyé pour validation au médecin-conseil, qui peut l’amender en cochant d’une croix les soins dont il conteste la prise en charge à 100% ce qui est rarement le cas.
  • Dans le délai d’un mois, le formulaire est renvoyé au médecin traitant.
  • Celui-ci remet un des 4 exemplaires au patient, après le lui avoir fait signer, ce qui vaut engagement de suivre le projet thérapeutique établi et de se conformer aux règles d’utilisation rappelées dans un guide pratique qu’a reçu le patient. Au nom de la confidentialité, et en fonction du désir du patient, le diagnostic figurera ou non sur ce feuillet qui devra être présenté aux divers praticiens amenés à prodiguer leurs soins dans le cadre de cette ALD.

Les soins et les traitements liés à la maladie seront couverts à 100%. Tous les traitements concernant les autres affections seront inscrits dans la partie basse de l’ordonnance bizone et seront remboursés aux taux habituels.

Rapports avec le médecin du travail

La capacité à travailler d’un patient atteint de MICI est susceptible d’être perturbée par le retentissement sur son travail des divers épisodes cliniques qui seront cause d’arrêts de travail souvent itératifs. Mais signalons d’emblée que la simple absence pour maladie n’est pas un motif valable de licenciement d’un salarié.

Son interlocuteur privilégié sera le Médecin du Travail dont il est utile de rappeler qu’il est tenu à un secret professionnel absolu, y compris envers l’employeur et les collègues de travail. Son rôle est, à tout moment, de s’assurer de l’aptitude physique du salarié à effectuer les tâches nécessitées par son poste de travail.

Le salarié le rencontrera tout au long de sa carrière :

  • à l’embauche, et rappelons que toute discrimination liée aux antécédents pathologiques est interdite par le Code du travail, tout au moins dans le secteur privé, car dans les Fonctions Publiques les critères sont différents,
  • tous les ans ou tous les 2 ans, pour une visite d’aptitude dont bénéficie tout salarié,
  • après une absence pour maladie de plus de 21 jours,
  • en cas d’absences répétées pour raison de santé,
  • mais aussi à sa demande, sans avoir besoin d’en référer à son employeur.

Indemnisation des périodes de maladie

➤ INDEMNITÉS JOURNALIÈRES. Durant l’arrêt de travail, prescrit par le médecin traitant et dans la mesure où il a occupé un emploi salarié pendant 200 heures au cours des 3 mois qui ont précédé l’arrêt de travail, l’assuré social perçoit, au-delà du 4ème jour d’arrêt, des indemnités journalières (I.J).

➤ REPRISE. Si le patient n’a pas perdu les 2/3 de ses capacités de travail, le médecin-conseil se prononcera sur l’aptitude au travail, puis le Médecin du travail se prononcera sur l’aptitude au poste de travail dans l’entreprise, le salarié effectuera sa reprise et le versement des indemnités journalières cessera. Le bénéfice de l’ALD 30 permet au salarié de bénéficier d’autorisations d’absences pour soins.

➤ ALD. Si l’arrêt de travail se prolonge au-delà de 6 mois l’assuré entre, sous conditions de durée de travail antérieur, dans la catégorie « maladie de longue durée ». Si ce n’est déjà fait, un protocole de soins sera rempli par le médecin traitant. Dès lors le médecin-conseil de la Sécurité Sociale examinera périodiquement la situation, ce qui permettra la poursuite du versement des indemnités journalières. La finalité est de prévenir l’évolution vers l’invalidité.

➤ MI-TEMPS THÉRAPEUTIQUE. Si le salarié est jugé apte à reprendre son travail, mais reste fatigable, la reprise du travail peut se faire temporairement à « mi-temps thérapeutique » sur prescription du médecin traitant et avec l’accord du Médecin du travail, du médecin-conseil de la Caisse et de l’employeur. Dans ce cas, la perte de salaire est compensée par une indemnité.

➤ LICENCIEMENT. Si le salarié est déclaré par le Médecin du travail inapte à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur est tenu de lui proposer un autre emploi adapté à ses capacités, au besoin après aménagement du poste de travail. Si le reclassement dans l’entreprise s’avère impossible, l’employeur doit procéder au licenciement et le salarié perçoit l’indemnité légale ou conventionnelle. Si, au bout d’un mois, le salarié n’est pas reclassé dans l’entreprise ou n’est pas licencié, l’employeur est tenu de lui maintenir son salaire antérieur.

  • Si la reprise du travail antérieur paraît impossible, la COTOREP (Commission Technique d’Orientation et de Reclassement Professionnel) recherche le moyen d’organiser une reconversion.
  • Si le salarié atteint sa 60ème année alors qu’il est en maladie de longue durée, il peut demander sa retraite pour « inaptitude médicale ».
  • Si la maladie de longue durée dure depuis 3 ans, l’invalidité est le plus souvent prononcée.

MICI ET HANDICAP

Pension d’invalidité

L’état d’invalidité est prononcé par le médecin-conseil de la CPAM lorsqu’il estime à 66% l’amputation des potentialités de travail ou du gain du salarié. En fonction de divers paramètres socio-professionnels, et si les conditions administratives sont remplies, il procède au classement dans l’une des 3 catégories d’invalidité ouvrant droit à pension :

  • Catégorie 1 : capable d’exercer une activité rémunérée : pension égale à 30% du salaire moyen des 10 meilleures années (250 à 776 euros/mois en 2006).
  • Catégorie 2 : incapable d’exercer une profession quelconque : pension égale à 50% du salaire moyen (250 à 1294 euros).
  • Catégorie 3 : nécessitant de plus l’assistance d’une tierce personne (majoration non imposable de 982 euros).
  • La pension d’invalidité est attribuée à titre temporaire et il est possible de changer de catégorie d’invalidité en fonction de l’état de santé.
  • Si l’exercice de son activité entraîne des frais supplémentaires, liés à son handicap, l’intéressé peut déposer à la COTOREP une demande d’allocation compensatrice pour frais professionnels.
  • Une Allocation supplémentaire du fonds spécial d’invalidité peut être sollicitée, en dessous d’un certain niveau de ressources.
  • Les contentieux administratifs s’exercent devant la commission de recours amiable (CRA) puis éventuellement devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale, la Cour d’Appel puis la Cour de Cassation.
  • Les contentieux d’ordre médical sont portés devant le Tribunal du contentieux de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail (TCI), voire la Cour de Cassation.

Allocation adulte handicapé

Les patients qui ne peuvent bénéficier d’une pension d’invalidité et ont un handicap reconnu de 80% peuvent déposer un dossier à la Maison départementale des personnes handicapées pour avoir accès à cette allocation (max. 610 euros en 2006) et éventuellement à son complément et à une majoration pour la vie autonome.

Ce niveau de handicap donne également droit à la Carte d’Invalidité et aux avantages qui lui sont attachés :

  • priorité dans les transports,
  • exonération de la taxe sur la télévision,
  • demi-part supplémentaire pour le calcul de l’IRPP.

Mesures particulières pour les enfants

Dans chaque département siège une commission de 12 membres (CDES) compétente à l’égard de tous les enfants et adolescents handicapés, elle est chargée d’évaluer la situation de chaque enfant et de déterminer les prises en charge et les aides qui conviennent.

Elle peut avoir recours à un service d’aide à l’intégration scolaire (SAIS) voire à un service d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD). Elle attribue également, l’Allocation d’Education Spéciale (AES) qui est destinée à aider les parents à faire face aux dépenses liées à l’éducation d’un enfant handicapé. Elle peut être saisie par les parents de l’enfant (formulaire/ CAF) et lui délivre la carte d’invalidité.

Assurance complémentaire-santé

La couverture à 100% ne concernant que les actes médicaux directement liés à l’affection longue durée, il est tout à fait légitime pour un patient d’opter par ailleurs pour une assurance complémentaire afin de bénéficier également d’une prise en charge du tarif opposable pour tout ce qui ne concerne pas l’ALD.

Le choix des critères d’exclusion restant encore aujourd’hui à la discrétion des compagnies d’assurance, sous réserve que ces critères d’exclusion soient clairement indiqués sur les contrats qu’elles proposent, il est très difficile de trouver une compagnie d’assurance ou une mutuelle qui accepte de prendre en charge, dans le cadre d’une complémentaire santé et pour des tarifs non prohibitifs, des patients atteints d’une ALD.

Il faudra donc ne pas hésiter à les mettre en concurrence afin d’obtenir les meilleurs tarifs ; il est par contre indispensable de les informer de l’ALD sous peine de voir le contrat déclaré nul pour dissimulation volontaire d’information. Si vous n’obtenez pas satisfaction auprès des Mutuelles classiques, vous pouvez contacter la Mutuelle Intégrance(1) qui a été créée pour les personnes handicapées.

(1) Intégrance : Mutuelle Intégrance, 89 rue Damrémont, 75882 Paris Cedex 18

Assurance d’indemnités journalières

Il n’existe pas de Compagnies ou de Mutuelles acceptant d’assurer les indemnités journalières sans exclure celles qui seraient causées par une maladie déjà déclarée à la date de la souscription du contrat.

Assurance de prêt

Les prêts bancaires sont couverts par une assurance dite « assurance emprunteur ». Lors de la souscription, vous devez déclarer être porteur d’une MICI et répondre avec exactitude aux questions posées ; en cas de demande de renseignements complémentaires, votre gastroentérologue pourra vous remplir un questionnaire spécifique que vous enverrez vous-même au médecin de la compagnie d’assurance à l’aide d’une enveloppe secret médical afin de préserver la confidentialité.

L’assurance de ce prêt peut faire l’objet d’une surprime, de restrictions de garanties complémentaires (arrêt de travail, invalidité), voire d’un refus. En cas de difficulté auprès d’une compagnie, faites jouer la concurrence, vous pouvez également contacter l’AFA qui a étudié particulièrement ce problème et qui pourra vous conseiller. Dans tous les cas, il est vivement recommandé de faire jouer la concurrence, car les primes demandées peuvent être très différentes et les exclusions forts variables.

Si enfin aucune solution ne pouvait être trouvée, ce qui devrait être rare, vous pourrez avoir recours à la convention Aeras (Assurer Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé) mise en place en 2007 en remplacement de la convention Belorgey. La convention Aeras, paraphée par le ministre de la Santé et celui des Finances, s’est donné pour objet de faciliter les emprunts destinés à financer l’accession à la propriété, l’installation professionnelle et la consommation courante.

À la différence des précédentes conventions, qui ne prenaient en compte que le risque décès, ce nouveau dispositif permettra, dans certaines limites de montants, de couvrir le risque invalidité, ce qui constitue une avancée significative. Une brochure dans chaque établissement bancaire résume les dispositions de celle-ci.

MICI ET ORGANISATION DES SOINS

L’amélioration des traitements de la maladie de Crohn et de la RCH permettent de limiter le nombre d’hospitalisations aux urgences, en service de médecine et de chirurgie et imposent une nouvelle organisation des soins « deshospitalisée ».

Les unités de perfusions en ambulatoires, justifiées pour les perfusions IV de biothérapies (infliximab, vedoluzimab , ustekinumab), doivent s’organiser pour limiter le temps de passage dans les établissements.

Les services en ambulatoire pour les coloscopies doivent être très fonctionnels et rapides.

L’arrivée dans les années à venir de nombreux traitements oraux et sous-cutanés va considérablement limiter le besoin de recours aux établissements hospitaliers pour le traitement et le suivi d’une MICI.

Les programmes d’éducation thérapeutique comme ce livret permettent au patient une meilleure connaissance de leur maladie et des stratégies thérapeutiques afin de devenir acteur de sa maladie.

Des plateformes digitales de e-santé comme Easy MICI devraient permettre dans un avenir proche d’optimiser le suivi du patient, mieux connecté avec l’équipe médicale (médecin et infirmière dédiée) en facilitant le suivi par téléconsultation et télésuivi et permettre de valoriser la relation humaine médecin-patient lors des consultations physiques en cabinet.