Ce que l’on sait de la pathogénie de l’épidémiologie, de la fréquence et des facteurs favorisants

Si la ou les causes des MICI ne sont pas encore clairement identifiées malgré les recherches passées et actuelles, des progrès importants ont été faits dans la compréhension des différents mécanismes de survenue de ces maladies, en particulier dans le domaine de la génétique, l’hypothèse physiopathologique actuelle plaidant en faveur d’une prédisposition génétique à développer une « suractivation » de la réaction immunitaire intestinale, responsable des lésions inflammatoires et des altérations anatomiques.

ÉPIDÉMIOLOGIE*

Dans le monde, la répartition des MICI est inégale, la fréquence plus importante dans l’hémisphère nord, comparée à l’hémisphère sud, suggérant que des facteurs ethniques et/ou géographiques (ensoleillement, industrialisation, agents infectieux…) influent sur la fréquence et la répartition de ces maladies.

Ainsi la population blanche de souche européenne supporte un risque supérieur, de même, au sein de cette population prédisposée, l’on note une incidence supérieure chez les juifs ashkénazes, suggérant une interaction entre les facteurs environnementaux et génétiques.

  • La fréquence et l’incidence : Le nombre de malades est estimé en Europe à 1 million de patients ayant une MC et 1,5 million un RCH. En France, en 2015 on dénombrait 212 700 personnes prises en charge pour MICI dont (60% pour MC et 40 pour RCH) avec un taux de 55% de femmes.
    L’âge moyen est 48 ans. Entre 1988 et 2008, selon le registre EPIMAD, l’incidence de la MC a augmenté de 30% (100% chez l’adolescent) alors que celle de la RCH est restée stable.
  • L’âge : Les MICI touchent plus volontiers les sujets jeunes, entre 20 et 30 ans pour la MC, 30 à 40 ans pour la RCH, mais l’on note un pic d’incidence également entre 50 et 60 ans. Chez l’adulte jeune, la MC est plus étendue que chez les sujets de plus de 60 ans au diagnostic.
  • Le sexe : La MC prédomine chez les femmes de façon claire notamment à l’âge jeune entre 20 et 40 ans ; la RCH est plus fréquente chez l’homme d’âge mûr, après 30 ans.

LES FACTEURS GÉNÉTIQUES

Le rôle de facteurs génétiques repose sur :

  • L’observation ancienne, confirmée au fil des années, de formes familiales : Ainsi le risque d’avoir une MICI est plus important en cas d’antécédents familiaux, plus marqués pour la MC (8 à 10%) que pour la RCH (6%), la maladie survenant volontiers plus tôt, mais les facteurs d’environnement agissent également sur l’âge de survenue.
  • L’association aux MICI de maladies à prédispositions génétiques ou génétiquement déterminées.
  • La mise en évidence de gènes de prédisposition aux MICI sur les chromosomes des patients atteints de MICI, essentiellement le gène CARD15/NOD2 dans la MC, la protéine du gène étant à l’origine de l’activation et de l’emballement de la réponse inflammatoire. En 2013, plus de 160 gènes de MICI avaient été découverts, dont beaucoup partagés avec d’autres affections inflammatoires, mais ils ne représentaient qu’une minorité (environ 30%) de la charge de morbidité.
  • Le génotypage (recherche des gènes prédisposants) ne se justifie pas actuellement en pratique clinique, le risque pour la descendance d’un patient atteint de MICI se situant entre 1 et 2 à 3%, ne doit interférer ni sur un désir de grossesse, ni sur la surveillance.

LES FACTEURS D’ENVIRONNEMENT

➤ Le tabac

Le tabac a des effets opposés dans la MC et dans la RCH :

  • RCH : Le risque de développer une RCH est 2,5 fois moins élevé chez les fumeurs et la maladie survenant chez les fumeurs semble moins sévère. L’effet « bénéfique » du tabagisme serait dû à la nicotine, ni les essais de patchs ni les prescriptions de lavement à base de nicotine n’ont été concluants.
  • MC : Le risque de développer une MC est 2 fois plus élevé chez les fumeurs, l’évolution de la maladie est beaucoup plus sévère, en termes de poussées, de recours aux traitements corticoïdes, immunosuppresseurs, aux interventions chirurgicales, les récidives post opératoires étant plus fréquentes.
    À l’inverse, le sevrage tabagique est bénéfique dès la fin de la première année, avec diminution du nombre des rechutes, du recours à la chirurgie et aux traitements immunosuppresseurs.

➤ L’appendicectomie

L’appendicectomie a un effet protecteur vis-à-vis de la RCH, si elle est réalisée avant l’âge de 20 ans.

➤ L’alimentation

Le rôle de l’alimentation est soutenu par la fréquence plus élevée des MICI en Europe et Amérique du Nord où la consommation de sucres raffinés, saccharose (sucre, boissons sucrées, sucreries…), d’additifs alimentaires est plus importante et la consommation de fibres moindre avec en corolaire une modification du microbiote et une altération de la couche de mucus protectrice.

➤ Le psychisme

Le stress est le plus souvent un facteur associé, son rôle déclenchant n’ayant pas été clairement démontré bien qu’une étude française récente ait montré une fréquence non négligeable d’événements de vie dans les semaines ayant précédé l’apparition de la MICI.

➤ Les médicaments

  • La contraception orale : son effet est mal établi, mais elle ne paraît pas augmenter le risque de MICI.
  • Aspirine et anti-inflammatoires : peuvent révéler une MICI ou déclencher une poussée.

➤ Les agents infectieux

  • De nombreux agents infectieux dont le virus de la rougeole ont été incriminés, sans arguments convaincants.
    Dans les pays en développement, les infections par les parasites digestifs de type helminthes semblent avoir un rôle protecteur par l’induction d’un système immuno-régulateur. Les constituants microbiens de la flore intestinale sont à l’évidence impliqués.

➤ L’amélioration des conditions d’hygiène

  • L’amélioration du niveau de vie dans les pays industrialisés, pourrait, en réduisant l’exposition aux agents infectieux dans l’enfance induire une fragilité immunitaire chez l’adulte et favoriser la survenue de maladies allergiques et auto-immunes telles la MC.

➤ L’ensoleillement et la vitamine D

  • Les départements bénéficiant d’un taux faible d’ensoleillement étaient ceux où l’incidence de la MC était la plus élevée, suggérant un rôle possible de la vitamine D. En effet, plusieurs études ont montré que les patients atteints de MICI avaient, au moment du diagnostic, des taux sériques abaissés de vitamine D.
    Une supplémentation en vitamine D pourrait être proposée aux patients atteints afin de diminuer le risque de poussée, voire aux patients les plus à risque de développer une MC afin de diminuer leur risque de développer une MC.

EN SYNTHÈSE

Les MICI sont dues à l’exposition d’un individu, probablement génétiquement prédisposé, à un ou des facteurs de risque environnementaux, induisant une augmentation de la perméabilité intestinale, autorisant le passage de molécules étrangères à l’intérieur de la paroi, responsable d’une activation non contrôlée de la réponse inflammatoire avec la production en excès de protéines de l’inflammation.

La meilleure compréhension de ces différents paramètres, immunité, environnement et génétique favorise la prise en charge des patients et un meilleur usage des thérapeutiques disponibles.