AGA 2007

Pas de scoop cette année en ce qui concerne les MICI mais de multiples communications d’intérêt inégal qui ont été dominées, une fois encore, par la thérapeutique et en particulier par les anti-TNF.

EPIDEMIOLOGIE DES MICI

L’incidence et la prévalence des MICI ne cesse de croître, aussi bien chez l’enfant que chez l’adulte, sans que l’on en comprenne la cause.

  1. MICI de l’enfant D Turck et al. (Lille), dans une étude réalisée à partir des données du registre EPIMAD, ont montré que la RCH de l’enfant est une maladie grave. Son incidence est évaluée à 0,8x 10-5 , elle se manifeste en moyenne à l’âge de 14 ans. Elle est surtout très évolutive puisque au cours de l’évolution le nombre de pancolite va passer de 39 % à 60 %, que les manifestations extra-digestives touchent 22 % de ces enfants avec par ordre de fréquence les articulations (14 %), la peau (7 %), la cholangite sclérosante (3 %). Une corticothérapie est instituée chez 68 % des patients mais la corticorésistance et la corticodépendance sont fréquentes (respectivement 14 % et 29 %). Les immunosuppresseurs sont utilisés chez 29 % en moyenne après 21 mois d’évolution mais si chez 55 % ce traitement est efficace, 7 % ont des effets secondaires et 38 % sont réfractaires. Enfon une colectomie est réalisée dans les 5 ans suivant le diagnostic chez 24 % de ces RCH.
  2. MICI de l’adulte SB Ingle et al. (Rochester), à partir de la cohorte de la Mayo Clinic montrent que si l’incidence des MICI était restée stable entre 1970 et 2000, celle-ci a augmenté depuis. Ainsi dans les 5 dernière années, a prévalence de la RCH a augmentée de 21 % et celles de la MC de 22 %. L’extrapolation permet d’évaluer qu’e 2005 il y avait 1,5 millions de personnes souffrant de MICI aux USA.

IMAGERIE DE LA MALADIE DE CROHN

EV Loftus (Rochester) a analysé les avancées réalisées ces dernières années dans le domaine de l’imagerie.

La capsule prend une part de plus en plus importante. Elle est toutefois soumise à des problèmes d’interprétation. Dans une étude réalisée par Voderholzer et al. (Berlin) portant sur 40 patients porteurs soit de MC soit soumis à un traitement par AINS avec découverte de 546 lésions. L’analyse, réalisée par 3 observateurs différents, montre une variation interobservateur très importante, avec seulement 32 % de concordance entre les 3 observateurs mais surtout un mauvais diagnostic dans 25 % des cas. Par ailleurs le risque de rétention de capsule est important même en l’absence de symptôme évocateur de sténose (certains auteurs ont rapporté jusqu’à 13 % de rétention).

L’entéroscanner est certainement la meilleure technique d’imagerie du grêle surtout en utilisant l’entéroclyse avec intubation naso-jéjunale. Elle permet de préciser la présence de sténoses, d’ulcération, de montrer la présence de graisse péri-entérique témoignant d’important processus inflammatoire, de détecter des abcès.Il existe souvent une mauvaise corrélation entre la clinique et les résultat de l’entéroscanner notamment en ce qui concerne les symptômes évoquant une sténose, mais cette examen conduit à modifier la prise en charge dans plus de 50 % des cas.

Quant à l’entéro-IRM, elle a l’avantage de l’absence d’irradiation mais est actuellement en cours d’évaluation et reste très opérateur dépendant.

TRAITEMENT DE LA MALADIE DE CROHN

Immunosuppresseurs

L’intérêt de l’AZA après résection intestinale pour MC a de nouveau été rapporté par P Papay et la. (Vienne). Ils montrent qu’un traitement prolongé par azathioprine ou 6-MP permet de prévenir efficacement une nouvelle intervention. A partir d’une série de 579 MC opérées, 132 (40 %) ont été réopérées dont 49 % de MC traitées moins de 2 mois par AZA et 24 % de MC traitées par AZA. Il est important de noter que la probabilité pour une MC de ne pas être réopérée 5 ans après l’intervention est significativement diminuée chez les patients traités moins de 12 mois par AZA et à 10 ans chez les patients traités mois de 3 ans. L’équipe de G d’Haens et al. (Louvain) montrent que chez les patients ayant un risque élevé de récidive post-opératoire la prescription de métronidazole (750 mg/j) pendant les 3 mois suivant la résection associé à de l’AZA (2,5 mg/kg) pendant 12 mois est efficace. La comparaison à un groupe placebo montre qu’à 12 mois le risque de récidive sévère (score de Rutgeerts = 2) est plus faible chez les MC traitées (44 % vs 55,7 % p<0,05).

Les anti-TNF

Les publications concernant les anti-TNF sont toujours au premier rang.

BG Feagan et al. (Ontario) montrent que les recommandations concernant la prescription de l’infliximab (IFX) sont souvent mal suivies : les traitements intermittents sont fréquents, 44 % des patients ne reçoivent pas d’immunosuppresseurs, dans de nombreux cas l’IFX est prescrit d’emblée, ceci s’explique vraisemblablement par le coût du traitement, la crainte d’un cumul de toxicité et de l’absence de prise en compte du risque d’immunogénicité. GR Lichtenstein et al. (Philadelphie) ont rapporté les résultats du registre TREAT, registre prospectif qui vise à évaluer le risque thérapeutique des traitements de la MC. Avec un suivi médian de 3,4 ans portant sur 6273 patients, 3334 ayant reçu de l’IFX, 2939 un autre traitement, ils montrent que, bien que les patients qui reçoivent de l’IFX sont plus sévères, le traitement par IFX est bien toléré : la mortalité a été similaire dans les 2 groupes, de même pour l’incidence des cancers, des lymphomes. Des réactions lors de la perfusion ont été observées chez 3 % des MC (sévères chez 0,09 %), Le risque d’infection sévère a été plus élevé chez les MC sous IFX (RR= 1,77) mais l’analyse suivant le modèle de Cox, montre qu’en fait les infections sévères ne sont pas en rapport avec la prise d’IFX mais avec la prescription concomitante de corticoïdes.

F Schnitzler et al. (Louvain) ont souhaité évaluer l’efficacité à long terme de l’IFX. Sur les 440 MC traitées par IFX (48 % avec un traitement épisodique, 25 % avec un traitement d’entretien, 27 % avec un traitement initialement épisodique puis d’entretien) ont reçu 5029 doses d’IFX. Au terme d’un suivi médian de 41 mois, 60 % des MC étaient en rémission prolongée, 73 % avaient pu interrompre totalement les corticoïdes. Sur les 29 % des MC mis en rémission chez qui le traitement a été interrompu, la rémission persistait durant 23,6 mois. Chez 9 % des MC l’IFX a du être interrompu définitivement du fait d’effets secondaires, chez 19 % une perte de réponse a été observée. L’absence de réponse primaire à l’IFX (8 %) était associée à un risque élevé de complications abdominales conduisant à la chirurgie (51 % vs 21 %).

A Keshavarazian et al. (Chicago) montre que lorsqu’un traitement par IFX est débuté, il est maintenu durant une longue période. Dans cette étude rétrospective, multicentrique, les dossiers de 447 MC, chez qui un traitement par IFX a été débuté, ont été revus. Chez 142 patients (31,8 %) l’IFX a été interrompu, le plus souvent à la suite d’effets secondaires (6,5 %) ou de réaction au point d’injection (4,3 %). Le taux cumulé de patients sous IFX à 2, 4 et 5 ans était de 73 %, 8 % et 54 %. Le nombre d’injection par patient restait stable entre la 1ère et la 4ème année et diminuait un peu la 5ème année.

U Mahadevan et al. (San Francisco) ont montré que l’infliximab (IFX) franchit le placenta, il est en effet possible détecter l’infliximab jusqu’au 9ème mois chez les enfants nés de mère traitée. Bien que l’on ne connaisse pas les implications de l’exposition de ces enfants à l’IFX, les auteurs préconisent d’espacer les injections d’IFX au cours du 3ème trimestre de la grossesse. En effet, F Schnitzler et al. (Louvain) ont montré que l’IFX, bien que théoriquement contre-indiqué durant la grossesse, ne semble pas responsable d’effets secondaires. Sur 10 patientes pour qui l’IFX paraissait indispensable, ce traitement a été poursuivi durant les deux premiers trimestres de la grossesse. Une femme a fait une fausse couche, 7 ont accouché à terme d’enfant en bonne santé et 2 accouchements prématurés à la 28ème et à la 34ème semaine. Dans tous les cas ce traitement par IFX a été repris au décours.

A côté du chef de file que constitue l’IFX, des publications nombreuses concernant les 2 anti-TNF qui vont être commercialisés prochainement, l’adalimubab (ADA) et le certolizumab (CZP), qui ont tout deux l’avantage de pouvoir être administré par voie sous-cutané (sc), le premier étant humain, le second pegylé et humanisé.

Pour l’ADA, GR d’Haens et al. (Louvain) montrent, à partir de l’essai GAIN (étude en double aveugle sur 325 MC en échec thérapeutique après IFX) que l’ADA (160 mg à S0 et 80 mg à S2), permet une réponse clinique dès le 4ème jour. A partir des mêmes données, EV Loftus et al. (Rochester) signalent que l’ADA permet à S4 une nette amélioration du score de qualité de vie. BG Feagan et al. (Ontario), à partir des données de l’essai CHARM, confirment qu’un traitement d’entretien par ADA permet de réduire le coût de la maladie en réduisant le nombre d’hospitalisations et ceci de façon significative dès la 2ème semaine. Enfin JF Colombel et al. (Lille), à partir des différents essais cliniques (CLASSIC-I, II, CHARM, GAIN .) regroupant 1459 patients que, par rapport au placebo, l’ADA est généralement bien toléré et entraîne peu d’effets secondaires

Pour le CZP, prescrit en traitement d’induction à la dose de 400 mg à S0, S2 et S4, il faut mentionner que l’analyse de l’essai PRECISE 2, fait par O Thomsen et al. (Copenhague), montre que la réponse au CZP est rapide. En effet sur les patients répondeurs à S6 (66 %), 72 % avaient déjà répondu à S2, et pour les patients mis rémission à S6 (43 %), 42 % l’étaient déjà à S2. Fait important, la prise concomitante de corticoïdes ou d’IS n’influent pas le taux de réponse. Dans l’essai PRECISE 3, présenté par G Lichtenstein, le CZP en traitement d’entretien pendant 18 mois permet le maintien de la réponse chez 44,2% des MC et la rémission chez 37,2 %. Dans l’essai PRECISE 4, WJ Sandborn et al. (Rochester) montrent sur 194 MC initialement traitées par CZP qui rechutent (après simple traitement d’induction ou au cours d’un traitement d’entretien) répondent bien à un nouveau traitement d’induction (400 mg sc à S0, S2, S4) suivi d’un traitement d’entretien (une injection toutes les 4 semaines) avec des taux de réponse et de rémission à un an de 39 % et 38 %.

TRAITEMENT DE LA RCH

L’IFX est actuellement proposé dans le traitement des RCH sévères corticorésitantes en concurrence avec la ciclosporine (CS). L’équipe de New York (EA Maser et al.) a montré, sur une série rétrospective de 20 patients, que lorsque le traitement initial soit par IFX soit par CS n’est pas efficace, le fait de remplacer l’un par l’autre ne permet une rémission que chez 1/3 des patients et des effets secondaires sévères voire vitaux sont à craindre et devait faire préférer la colectomie.

CANCER ET MICI

Si les colites inflammatoires ne sont responsables que de 1 à 2 % des cancers coliques, le cancer est responsable du décès de 7 à 17 % des MICI ceci a conduit toutes les sociétés savantes ont établi des recommandations concernant le dépistage du cancer au cours des colites inflammatoires. Le but étant de dépister la dysplasie à un stade utile. Il est classique de débuter ce dépistage après 8 ans d’évolution en cas de pancolite et de 10 à 15 ans en cas de colite gauche. Ne faudrait-il pas débuter ce dépistage plus précocement ? C’est la question que pose FP Vleggaar et al. (Utrecht). Ces auteurs estiment qu’en utilisant le début des symptômes pour calculer le temps écoulé entre le diagnostic de MICI et celui de cancer, 18 % des MICI ont développé un cancer entre 8 et 15 ans d’évolution, et 26 % entre 10 et 20 ans d’évolution donc bien avant le début de la surveillance.

Lors du dépistage les différents guidelines préconisent la réalisation d’une biopsie systématique dans chaque quadrant tous les 10 cm et sur toutes les zones suspectes. La réalisation s’une coloration par de l’indigo carmin voire du bleu de méthylène est également conseillée depuis plusieurs années par les équipes européennes et japonaises, les américains découvrent cette technique. Au cours de cette DDW, l’intérêt de la chromoendoscopie avec biopsies ciblées a été largement souligné au point de discuter l’intérêt des biopsies systématiques du fait de leur très faible rentabilité diagnostique. Dans leur étude comparant chromo-endoscopie et coloscopie conventionnelle chez 33 MICI (21 RCH, 9 MC et 3 CI), AE Kandiel et al. (Cleveland) détectent 6 formations polypoïdes (dont 5 polypes et 1 DALM) par chromoendoscopie, la coloscopie conventionnelle méconnaissant 2 lésions (polypes banaux). A signaler que sur les 1293 biopsies systématiques réalisées, une seule a permis de détecter une dysplasie de bas grade.

De même JF Marion et al. (New York), dans un essai prospectif, sur 102 MICI (79 RCH et 23 MC), montrent que la chromo-endoscopie a permis la détection d’un plus grand nombre de patients porteurs de dysplasie (16 avec DBG et 1 avec DHG) que la coloscopie conventionnelle avec biopsies systématiques (3 avec DBG) ou la coloscopie avec biopsies ciblées (8 DBG et 1 DHG). L’association de la technique utilisant les biopsies ciblées avec et sans coloration a permis la détection de 20 patients porteurs de dysplasie alors que la coloscopie conventionnelle n’a permis que la détection de 3 patients.

L’attitude à adopter en cas de dysplasie de bas grade est toujours sujet à débat. Certains préconise la colectomie d’emblée d’autres une surveillance endoscopique dans les 3 mois. L’agressivité des premiers tient au fait que l’examen de pièces de colectomie réalisées pour dysplasie de bas grade montrait un taux élevé de cancer associé. F Velayos et al. (San Francisco) montrent qu’avec l’amélioration des techniques endoscopiques et des prélèvements la probabilité de cancer occulte en cas de dysplasie plane baisse pas rapport à ce qui était constaté auparavant. Toutefois en cas de formation polypoïde sessile ou de masse, la probabilité de cancer occulte associé est respectivement de 50 % et de 100 %. C’est insister une nouvelle fois sur l’importance de convaincre les patients porteurs de DALM du caractère impératif de la colectomie.