Résultats définitifs de l’essai Bond ou le Cétuximab, en pratique courante, dans le cancer colo-rectal métastatique.

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L’EGFR ou HER-1, récepteur de l’épidermal growth facteur est un membre de la famille des récepteurs HER, récepteurs transmembranaires à activité tyrosine kinase. Les gênes de l’EGFR sont surexprimés dans 60 à 80% des cancers colorectaux,cette surexpression étant corrélée à un mauvais pronostic. La liaison du domaine extracellulaire d’EGFR à son ligand (EGF, TGF-a ) entraîne sa dimérisation et plus particulièrement son hétérodimérisation avec un autre membre de la famille des recepteurs HER ,le recepteur HER 2. Le domaine tyrosine kinase intracellulaire d’EGFR, est alors activé et initie une cascade de réactions intracellulaires à l’origine d’une transduction du signal au niveau du noyau cellulaire. Il s’ensuit une série d’effets cellulaires traduisant le « signal EGFR » tels que différenciation, prolifération, inhibition de l’apoptose et angiogénèse, à l’origine d’une dérégulation cellulaire.

Le ciblage d’EGFR est possible par de petites molécules à action intracellulaire inhibitrices de tyrosine kinase (Erlotinib, Ginitinib ) ou par des anticorps monoclonaux spécifiques de la partie extracellulaire du récepteur. Le cétuximab appartient à cette deuxième famille de molécules. Des études pré cliniques avaient montré d’une part sa capacité à inhiber des cellules tumorales humaines d’origine colique non prétraitées. D’autre part ces mêmes lignées prétraitées par de l’irinotecan et ayant acquises une résistance à cette drogue, se trouvaient à nouveau inhibées par l’adjonction de cétuximab(1).

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ETUDE BOND : Faisant suite à 2 études de phase II (2,3), l’étude Bond (4) a randomisé 329 patients porteurs d’un cancer colorectal métastatique(CCRM) histologiquement prouvé , réfractaire, à l’irinotécan , selon un mode 2 sur 1, en deux bras cétuximab + irinotecan et cétuximab en monothérapie. Les patients surexprimaient obligatoirement EGFR mais à des degrés différents en ce qui concerne le nombre de cellules et l’intensité du marquage. 62.6% des patients avaient en outre déjà reçu une ligne à base d’oxaliplatine et se trouvaient donc au moment de l’inclusion en troisième ligne thérapeutique. Les deux bras étaient équilibrés pour les caractéristiques patients, les caractéristiques de la maladie, et les traitements antérieurs. Les résultats apparaissent en faveur du traitement combiné comme il est indiqué dans le tableau ci-dessous.

cétuximab + irinotecan

cétuximab monothérapie

P

Taux de réponse : %

22.9

10.8

0.007

Contrôle de la maladie : %

55.5

36

<0.001

Survie sans récidive : mois

4.1

1.5

<0.001

Survie globale : mois

8.6

6.9

0.48

Plus que l’étude comparative entre les deux bras de traitement, il est très intéressant de constater que chez les malades réfractaires à l’irinotecan, et pour la plupart ayant échappé également à l’oxaliplatine, le cétuximab associé à l’irinotécan permet un contrôle de la maladie dans 55% des cas et une survie médiane de 8.6 mois, ce qui représente en situation avancée, ce qui était obtenue en première ligne thérapeutique avec le 5FU il y a une dizaine d’années.

L’association cétuximab irinotecan offre un profil de toxicité comparable à celui de l’association irinotecan- 5FU. Deux toxicités spécifiques sont cependant notées : le rash cutané acnéïforme (Rash-Her 1) présent tous grades confondus chez 80% des patients, pour 12.5% de grades 3 et 4 et le choc anaphylactique lors de la première injection atteignant 1,5% de l’effectif  et pouvant nécessiter des mesures de réanimation auxquelles il faut être préparé.

L’analyse détaillée des résultats permet par ailleurs trois conclusions :

  • L’efficacité est indépendante du nombre de lignes de chimiothérapie antérieurement reçues.
  • L’efficacité n’est corrélée ni avec le pourcentage de cellules exprimant EGFR ni avec l’intensité de cette expression.
  • En revanche, il existe une corrélation entre importance de la toxicité cutanée et efficacité du cétuximab

En conclusion : le cétuximab, anticorps monoclonal chimérique anti-EGFR, permet chez des patients porteurs d’un CCRM réfractaire à l’irinotecan en deuxième ou troisième ligne thérapeutique, une stabilisation lésionnelle dans plus de 50% des cas et un gain de survie de l’ordre de 8 mois. Sa place dans la stratégie thérapeutique en routine, devient donc très importante dès la troisième ligne . Son impact en deuxième et première ligne est en évaluation et semble prometteur en association à l’irinotecan ou a l’oxaliplatine. Enfin, son intérêt en adjuvant sera également à préciser.

  1. Prewett MC, Hooper AT, Bassi R, Ellis LM, et al Enhanced antitumor activity of anti-epidermal growth factor receptor monoclonal antibody IMC-C225 in combination with irinotecan (CPT-11) against human colorectal tumor xenografts. Clin Cancer Res 2002;8:994-1003
  2. Saltz LB, Meropol NJ, Loehrer PJ Sr et al. Phase II trial of cetuximab in patients with refractory colorectal cancer that expresses the epidermal growth factor receptor. J Clin Oncol 2004;22:1201-1208.
  3. Saltz LB, Rubin MS, Hochster HS, et al. Cetuximab (IMC-C225) plus irinotecan (CPT-11) is active in CPT-11 refractory colorectal cancer that expresses epidermal growth factor receptor. Prog Soc Clin Oncol 2001;20:3a. abstract.
  4. Cunningham D, Humblet Y, Salvatore Siena Ph.D et al. Cetuximab Monotherapy and Cetuximab plus Irinotecan in Irinotecan-Refractory Metastatic Colorectal Cancer. N Engl J Med 2004;351:337-45